« Les premières victimes d'un lac qui se porte mal, ce sont les petits poissons. » C'est avec cette image très forte que Carl Lacharité, psychologue et professeur titulaire au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières, a débuté sa conférence présentée dans le cadre du forum Tous pour eux organisée par l'organisme Avenir d'enfants. Selon le psychologue maintenant chercheur, cela signifie que pour connaître l'état de santé d'une société, il faut s'intéresser à la situation des tout-petits.
Notre perception de l’enfance a d’ailleurs beaucoup changé depuis une centaine d'années, explique Carl Lacharité. Au début des années 1900, le taux de mortalité étant très élevé, il était difficile de penser que chaque tout-petit compte. Aujourd'hui, non seulement chaque enfant compte, mais chaque expérience vécue par l'enfant compte aussi. Par conséquent, les enfants de 2015 ne sont plus les mêmes qu'au siècle passé, croit le psychologue. Ils sont plus compliqués parce qu'ils comprennent très jeunes qu'ils ont de l’importance.
Les tout-petits sont toutefois très vulnérables dans notre société. Carl Lacharité cite d'ailleurs une phrase célèbre du renommé pédiatre anglais Donald Winnicott : « Un bébé n'existe pas seul. Ce qui existe, c'est un bébé dans les bras de quelqu'un. » Selon le psychologue, le premier besoin d'un enfant est donc d'avoir un parent. Un enfant doit emprunter à ses parents le supplément d'âme dont il a besoin pour démarrer dans la vie,dit-il.
« La vulnérabilité, c'est la répartition inégale de la possibilité d'être blessée, » ajoute alors Carl Lacharité. Selon lui, on peut la comparer au fait d'habiter sur le bord d'un précipice. C'est ainsi qu'on peut comprendre que pour certaines familles, être parent devient difficile. En effet, si le contexte oblige les parents à se concentrer sur des besoins urgents pour survivre, penser à l'avenir de l'enfant devient secondaire.
De plus, nous avons trop souvent tendance à voir les défis entourant l'éducation des enfants comme des problèmes. Selon le psychologue, nous vivons d’ailleurs dans une culture d'intériorisation des problèmes. Cela signifie que nous croyons que ceux-ci sont au cœur même des personnes. Carl Lacharité propose donc d'adopter une approche qui reconnaît que les problèmes sont plutôt des facteurs gravitant dans l'environnement de l'enfant et de sa famille. Avec cette vision, on réalise alors que les individus ne sont pas condamnés à agir d'une façon particulière en raison du milieu dans lequel ils évoluent, mais qu'ils ont le pouvoir d'agir et de fabriquer eux-mêmes leur vie.
Dans ce contexte, il est d'autant plus important d'identifier les enfants vulnérables. « Ce n'est pas seulement un cerveau qui se développe, c'est aussi un être humain », rappelle Carl Lacharité. Cette conférence était donc une occasion parfaite pour réfléchir aux besoins des tout-petits qui vivent dans des conditions d'adversité et à ceux de leurs parents. Cette réflexion est nécessaire, car malheureusement, dans le grand lac qu'est notre société, ce ne sont pas tous les poissons qui ont la chance de devenir grands.
Source :
Lacharité, Carl. Joindre plus efficacement les familles vivant en situation de pauvreté. Conférence présentée le 4 novembre 2015 dans le cadre du Forum Tous pour eux.
http://www.avenirdenfants.org/le-parc/tous-pour-eux.aspx