Il faut bien l'avouer, ce n'est pas le genre d'étude qui fait plaisir au milieu de l'allaitement. Dans un article publié dans la revue Environmental Science and Technology, des chercheurs américains concluent en effet que l'allaitement est une source importante d'exposition aux composés d'alkyle perfluoré, des substances chimiques utilisées depuis 60 ans pour rendre certains produits résistants à l'eau, à l'huile et aux taches. Ces résultats qui sont bien sûr une source d'inquiétude pour les nouveaux parents représentent toutefois une belle occasion de faire le point sur le lien trouble entre les produits toxiques et le lait maternel.
Les scientifiques américains sont arrivés à cette conclusion après avoir mesuré le taux de composés d'alkyle perfluoré dans le sang de 81 enfants des Îles Féroé, une province du Danemark située à la frontière de la mer de Norvège et de l'Océan Atlantique, au nord de l'Écosse. Ils ont ainsi constaté que les enfants qui avaient les taux les plus bas à 11, 18 et 60 mois étaient ceux qui avaient été nourris avec des préparations commerciales pour nourrissons alors que ceux avec les taux les plus élevés avaient été allaités exclusivement jusqu'à 6 mois. C'est ce qui fait conclure aux chercheurs que l'allaitement est la principale source d'exposition aux composés d'alkyle perfluoré chez les bébés.
Ces résultats inquiètent bien sûr les scientifiques. Les composés d'alkyle perfluoré ont en effet été associés à des problèmes de santé, notamment en lien avec le système immunitaire. D'autres études ont révélé que les enfants qui ont des taux élevés de composés d'alkyle perfluoré dans leur sang répondent moins bien à la vaccination. Le principal problème avec ces produits, c'est qu'ils sont très persistants dans l'environnement et dans le corps humain. Les scientifiques savent d'ailleurs déjà que ces substances peuvent être transférées au bébé par le placenta et le lait maternel.
Il faut mentionner que les composés d'alkyle perfluoré ne sont pas les seuls produits chimiques à avoir été détectés dans le lait maternel. La présence de toxines dans le lait maternel s'expliquerait en partie par un phénomène appelé la biomagnification. Lorsqu'un produit chimique est utilisé, les toxines se retrouvent dans l'air, le sol et l'eau. Elles sont alors intégrées aux plantes. Celles-ci sont ensuite mangées par les animaux et les toxines seront souvent stockées dans les gras, car elles peuvent s'y dissoudre. Si les humains mangent des animaux à leur tour, ces toxines seront accumulées dans leurs propres tissus graisseux. À chaque étape du processus, les toxines sont de plus en plus concentrées. Par conséquent, plus un organisme est haut dans la chaîne alimentaire, plus il accumulera des toxines.
L'être humain est presque au sommet de la chaîne alimentaire. Il n'est devancé que par... le bébé humain qui se nourrit de lait maternel humain! C'est pourquoi les bébés sont particulièrement sensibles aux toxines environnementales. Celles-ci peuvent se retrouver en quantités importantes dans le lait notamment parce que ce sont en partie les tissus graisseux de la mère qui sont utilisés pour le fabriquer. Les produits chimiques qui s'attachent aux protéines sont également transportés activement dans le lait.
Alors, devrait-on dire aux femmes de ne plus allaiter? Pas du tout. La grande majorité des experts, dont les auteurs de cette nouvelle étude, s'entendent pour dire que l'allaitement demeure la meilleure forme de nutrition pour le bébé humain puisque les avantages associés à l'allaitement dépassent encore les risques liés aux produits chimiques. En fait, selon l'Organisation mondiale de la santé, la bonne façon d'aborder le problème serait plutôt de réglementer davantage l'utilisation de ces produits dangereux. Certains experts proposent même que pour soutenir adéquatement l'allaitement, il est essentiel de prendre les mesures nécessaires pour que le lait maternel ne contienne plus ces contaminants. Cela rejoint d'ailleurs la position des chercheurs américains qui croient qu'il est temps d'arrêter de présumer qu'un produit chimique est sécuritaire s’il n’a pas été testé auparavant. Une meilleure réglementation serait donc la bienvenue.
- Cet article a également été publié sur le site de l'Agence Science-Presse.
En lien avec ce sujet:
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Les mères fumeuses peuvent-elles allaiter?
Sources :
Condon, M. (2005) Breast is Best, but it Could Be Better: What is in Breast Milk That Should Not Be? Pediatr Nurs. 2005; 31(4) : 333-338.
Grandjean P, Jensen AA. (2004) Breastfeeding and the weanling's dilemma. Am J Public Health. 94(7) : 1075; author reply 1075-6.
Les scientifiques américains sont arrivés à cette conclusion après avoir mesuré le taux de composés d'alkyle perfluoré dans le sang de 81 enfants des Îles Féroé, une province du Danemark située à la frontière de la mer de Norvège et de l'Océan Atlantique, au nord de l'Écosse. Ils ont ainsi constaté que les enfants qui avaient les taux les plus bas à 11, 18 et 60 mois étaient ceux qui avaient été nourris avec des préparations commerciales pour nourrissons alors que ceux avec les taux les plus élevés avaient été allaités exclusivement jusqu'à 6 mois. C'est ce qui fait conclure aux chercheurs que l'allaitement est la principale source d'exposition aux composés d'alkyle perfluoré chez les bébés.
Ces résultats inquiètent bien sûr les scientifiques. Les composés d'alkyle perfluoré ont en effet été associés à des problèmes de santé, notamment en lien avec le système immunitaire. D'autres études ont révélé que les enfants qui ont des taux élevés de composés d'alkyle perfluoré dans leur sang répondent moins bien à la vaccination. Le principal problème avec ces produits, c'est qu'ils sont très persistants dans l'environnement et dans le corps humain. Les scientifiques savent d'ailleurs déjà que ces substances peuvent être transférées au bébé par le placenta et le lait maternel.
Il faut mentionner que les composés d'alkyle perfluoré ne sont pas les seuls produits chimiques à avoir été détectés dans le lait maternel. La présence de toxines dans le lait maternel s'expliquerait en partie par un phénomène appelé la biomagnification. Lorsqu'un produit chimique est utilisé, les toxines se retrouvent dans l'air, le sol et l'eau. Elles sont alors intégrées aux plantes. Celles-ci sont ensuite mangées par les animaux et les toxines seront souvent stockées dans les gras, car elles peuvent s'y dissoudre. Si les humains mangent des animaux à leur tour, ces toxines seront accumulées dans leurs propres tissus graisseux. À chaque étape du processus, les toxines sont de plus en plus concentrées. Par conséquent, plus un organisme est haut dans la chaîne alimentaire, plus il accumulera des toxines.
L'être humain est presque au sommet de la chaîne alimentaire. Il n'est devancé que par... le bébé humain qui se nourrit de lait maternel humain! C'est pourquoi les bébés sont particulièrement sensibles aux toxines environnementales. Celles-ci peuvent se retrouver en quantités importantes dans le lait notamment parce que ce sont en partie les tissus graisseux de la mère qui sont utilisés pour le fabriquer. Les produits chimiques qui s'attachent aux protéines sont également transportés activement dans le lait.
Alors, devrait-on dire aux femmes de ne plus allaiter? Pas du tout. La grande majorité des experts, dont les auteurs de cette nouvelle étude, s'entendent pour dire que l'allaitement demeure la meilleure forme de nutrition pour le bébé humain puisque les avantages associés à l'allaitement dépassent encore les risques liés aux produits chimiques. En fait, selon l'Organisation mondiale de la santé, la bonne façon d'aborder le problème serait plutôt de réglementer davantage l'utilisation de ces produits dangereux. Certains experts proposent même que pour soutenir adéquatement l'allaitement, il est essentiel de prendre les mesures nécessaires pour que le lait maternel ne contienne plus ces contaminants. Cela rejoint d'ailleurs la position des chercheurs américains qui croient qu'il est temps d'arrêter de présumer qu'un produit chimique est sécuritaire s’il n’a pas été testé auparavant. Une meilleure réglementation serait donc la bienvenue.
- Cet article a également été publié sur le site de l'Agence Science-Presse.
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Les tatouages sont-ils compatibles avec l'allaitement?
Les mères fumeuses peuvent-elles allaiter?
Sources :
Condon, M. (2005) Breast is Best, but it Could Be Better: What is in Breast Milk That Should Not Be? Pediatr Nurs. 2005; 31(4) : 333-338.
Grandjean P, Jensen AA. (2004) Breastfeeding and the weanling's dilemma. Am J Public Health. 94(7) : 1075; author reply 1075-6.
Grandjean P., Clapp R. (2015) Perfluorinated Alkyl Substances : Emerging Insights Into Health Risks. New Solut. 25(2) : 147-63.
Mead MN. (2008) Contaminants in human milk: weighing the risks against the benefits of breastfeeding. Environ Health Perspect. 2008 Oct; 116(10) : A427-34.
Mogensen U.B., Grandjean P., Nielsen F., Weihe P., Budtz-Jørgensen E. (2015) Breastfeeding as an Exposure Pathway for Perfluorinated Alkylates. Environ Sci Technol. 2015 Aug 20.
Mogensen U.B., Grandjean P., Nielsen F., Weihe P., Budtz-Jørgensen E. (2015) Breastfeeding as an Exposure Pathway for Perfluorinated Alkylates. Environ Sci Technol. 2015 Aug 20.