Lorsqu'il est question de culpabilité, on parle presque exclusivement de celle des mères. Est-ce parce que les pères ne se sentent jamais coupables? J'ai voulu analyser cette question dans mon sondage sur la culpabilité. Mon constat : ces messieurs semblent moins affectés par la culpabilité.
En effet, lorsqu'on demande aux parents « à quelle fréquence éprouvez-vous de la culpabilité au sujet de vos décisions parentales? », 55 % des femmes répondent « souvent » ou « à tous les jours ». Au contraire, 40 % des hommes répondent « jamais » ou « presque jamais » et 45 % à « l'occasion ».
Selon Raymond Villeneuve, directeur du Regroupement pour la valorisation de la paternité, cette observation concorde bien avec ce qu'il voit sur le terrain. « J'ai eu le plaisir de soutenir les pères dans les cours prénataux pendant 6 ans. J'ai alors accompagné des centaines de parents. Ce que je constate, c'est que les futures mamans intègrent beaucoup plus la pression sociale extérieure. Elles y sont plus perméables et se mettent davantage de pression. » Les pères seraient aussi conscients de ces discours sociaux, mais ils ne se sentiraient pas nécessairement coupables s'ils y dérogent à l'occasion.
« On souhaite l'égalité, ajoute M. Villeneuve, mais les demandes sociales sont différentes pour les hommes et pour les femmes. » Les nombreux discours sociaux mettent une très grande pression sur les mères et celles-ci y adhéreraient très fortement. « Au contraire, les pères sont les champions du lâcher-prise, » dit M. Villeneuve.
Les visages de la culpabilité
Au-delà de sa fréquence, la perception de la culpabilité diffère chez les hommes. En effet, 55 % des pères sont d'accord pour dire que la culpabilité qu'ils ressentent est justifiée alors que c'est le cas de seulement 30 % des femmes. De plus, l'influence de la culpabilité diffèrerait entre les deux sexes. Ainsi une plus grande proportion des pères croient que ce sentiment leur permet de réfléchir à leurs choix (60 % des hommes vs 50 % femmes). Chez les femmes, on mentionne plus souvent l'augmentation du niveau de stress (71 % femmes vs 35% hommes).
Encore là, M. Villeneuve propose que ce phénomène s'explique par les discours sociaux que les femmes et les hommes reçoivent. « Les femmes intègrent tellement d'injonctions sociales, que ça devient fou, explique-t-il. Avec ces attentes impossibles, elles se disent que ça n'a pas de bon sens de vouloir faire tout ça. Il y a alors une sorte de prise de conscience. » Au contraire, les hommes se concentrent sur certains aspects plus critiques selon eux et laissent tomber les détails. Lorsqu'ils ressentent de la culpabilité, c'est donc pour des choses qui leur semblent réellement importantes.
En fait, les sources de culpabilité des hommes seraient différentes de celles qui touchent les femmes. Par exemple, les pères seraient préoccupés par la question du partage des tâches, des soins de l'enfant, mais surtout des relations avec celui-ci. « Il faut que tu aies un coup de cœur pour ton bébé dès que tu le vois, remarque M. Villeneuve. Une partie des hommes est à l'aise avec ça, mais il y a une autre partie des hommes qui ne savent pas quoi faire avec un bébé. Ça, on n'a pas le droit de dire. »
Le couple et la culpabilité
Bien que les hommes ressentent moins de culpabilité, ils seraient plus nombreux à recevoir des commentaires culpabilisants provenant de leur partenaire de vie (60 % des hommes contre 37 % des femmes). « Cela nous ramène aux obligations qu'on se donne à soi-même, » croit M. Villeneuve. La liste des choses à faire pour être une bonne mère selon les femmes est très longue et à peu près impossible à accomplir seule. La pression sociale que s'imposent les femmes, elles tentent donc de la transférer aux hommes. Par contre, pour les hommes, la liste est plus courte. Il est alors plus facile de répondre à la demande, d'où le fait qu'ils ressentent moins le besoin de déléguer des tâches à leur partenaire.
Selon M. Villeneuve, pour mettre fin à la culpabilité, il faut être plus prudent dans les discours sociaux qu'on adopte. « Quand on demande trop à tout le monde d'être pareil et de faire les choses de la même façon, les gens peuvent se sentir coupables. Il faut faire attention au modèle unique. » Une remarque pertinente qui est aussi valable pour les femmes que pour les hommes.
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Les parents et la culpabilité: Sondage réalisé sur Survey Monkey auprès de 186 répondants, du 23 au 31 décembre 2014. Le lien vers le sondage a été diffusé sur les médias sociaux.