Le généticien et philosophe français Albert Jacquard disait : « L'autre est différent, certes. Il ne s'agit pas de nier cette différence, ou de prétendre l'oublier, mais d'en tirer parti. » Étrangement, des chercheurs américains qui s'intéressent au développement cognitif des tout-petits et à la diversité linguistique en sont venus à la même conclusion.
C'est malheureusement un fait connu : la différence fait peur. Même les très jeunes enfants ne font pas exception. Les scientifiques savent que les tout-petits ne font pas confiance aux gens qui ne ressemblent pas à leur entourage. Cette tendance, qui fait son apparition très tôt dans le développement, pourrait bien expliquer plusieurs problèmes sociaux. Heureusement, cette nouvelle étude semble démontrer que les quartiers très diversifiés sur le plan linguistique favorisent l'ouverture à l'autre chez les enfants.
Les chercheurs sont arrivés à cette conclusion en étudiant 82 enfants âgés de 19 mois. Les tout-petits qui parlaient tous exclusivement anglais à la maison étaient mis en présence d'un expérimentateur anglophone ou hispanophone. Dans les deux cas, l'expérimentateur faisait une démonstration de la façon d'activer un jouet. Les scientifiques analysaient alors si l'enfant reproduisait ou non les gestes de l'expérimentateur.
Ils ont ainsi remarqué que les enfants qui grandissaient dans un quartier avec une grande diversité linguistique imitaient plus souvent les gestes de l'expérimentateur hispanophone que ceux provenant d'un quartier plus homogène. Le quartier dans lequel vivaient les enfants n'influençait toutefois pas leurs réactions face à l'expérimentateur anglophone.
Ce qui est particulièrement intéressant dans cette expérience, c'est que les enfants des quartiers diversifiés n'étaient pas nécessairement plus exposés à l'espagnol que les autres. Ils pouvaient entendre dans leur environnement aussi bien de l'allemand, de l'arabe ou de l'italien. C'est donc bien la diversité qui favorise l'ouverture des enfants, concluent les chercheurs.
Selon eux, leurs résultats démontrent que ce ne sont pas seulement les parents et l'entourage immédiat d'un enfant qui influence son développement, mais également les gens qu'ils croisent dans les lieux publics. Que ce soit au parc, dans l'autobus ou au marché, les enfants observent les individus même s'ils n'interagissent pas directement avec eux.
L'exposition à la diversité incite les enfants à en apprendre davantage sur les individus appartenant à d'autres groupes que le leur. Les chercheurs croient qu'ils comprennent alors que même les étrangers peuvent avoir des informations valables. Ils développeraient aussi une certaine affinité pour les gens différents.
Au bout du compte, vivre dans un environnement diversifié permet même aux tout-petits de profiter de l'expérience des gens différents, ce qui constitue un plus pour leur développement. Encourager les milieux multiethniques pourraient donc être une belle façon de cultiver l'ouverture.
Références :
Howard LH, Carrazza C, Woodward AL. (2014) Neighborhood linguistic diversity predicts infants' social learning. Cognition. 133(2) : 474-9. doi : 10.1016/j.cognition.2014.08.002. Epub 2014 Aug 24.
Ingmire, Jann. (2014, 10 septembre) Diverse neighborhoods may help infants » social learning. UChicagoNews (Communiqué)
Howard LH, Carrazza C, Woodward AL. (2014) Neighborhood linguistic diversity predicts infants' social learning. Cognition. 133(2) : 474-9. doi : 10.1016/j.cognition.2014.08.002. Epub 2014 Aug 24.
Ingmire, Jann. (2014, 10 septembre) Diverse neighborhoods may help infants » social learning. UChicagoNews (Communiqué)