Aujourd'hui, je réponds à la question de Danielle : « Est-ce qu'il y a un lien entre l'âge d'introduction des aliments et les allergies? »
C'est la question à un million de dollars. Est-ce que les allergies alimentaires sont en augmentation chez les enfants? Les experts estiment que la fréquence des allergies au Canada tourne autour de 7 %. Cependant, dans certaines régions du monde, ce chiffre serait en expansion et atteindrait maintenant 10 %. Plusieurs hypothèses existent pour expliquer ce phénomène. Parmi elles, l'âge optimal d'introduction des solides chez les bébés est sans aucun doute celle qui a le plus évolué depuis 15 ans.
Transportons-nous au début des années 2000. L'Académie américaine de pédiatrie recommande alors de retarder l'introduction des aliments avec un grand potentiel allergène (par exemple : le lait de vache, les œufs, les arachides et les fruits de mer) chez les enfants qui sont à risque de développer des allergies. À cette époque, pas si lointaine, les experts croient qu'en agissant de la sorte, on diminuera la fréquence des allergies alimentaires. Cette idée ne repose toutefois sur aucune donnée sérieuse et uniquement sur l'avis des scientifiques.
Malheureusement, la fréqence des allergies triple pendant la période où ces recommandations sont en vigueur. De quoi faire douter la communauté scientifique! Les chercheurs tentent alors de clarifier la situation grâce à différentes études. Par exemple, on compare des enfants israéliens à des petits britanniques. En effet, en Israël, les bébés consomment régulièrement des arachides pendant leur première année de vie, ce qui n'est pas le cas des bébés britanniques. On constate pourtant que la fréquence des allergies est 10 fois plus faible en Israël qu'au Royaume-Uni. D'autres études démontrent qu'il y a moins d'allergies au blé chez les enfants qui y ont été initiés avant l'âge de 6 mois.
Les scientifiques doivent se rendre à l'évidence. Le fait de retarder l'introduction des aliments allergènes favorise l'apparition des allergies. Les nouvelles études permettent même de proposer un mécanisme pour expliquer le phénomène : l'hypothèse de la double exposition.
Selon celle-ci, même si un nourrisson ne mange pas d'un aliment, il peut y être exposé dans son environnement. Par exemple, si une famille consomme beaucoup de beurre d'arachide, de petites quantités peuvent se retrouver sur la peau du bébé. Si celui-ci a de minuscules coupures, les molécules allergènes de l'arachide peuvent alors entrer en contact avec le système immunitaire de l'enfant qui croira qu'il s'agit d'un danger à éliminer. À partir de ce moment, l'enfant réagira chaque fois qu'il sera en présence d'arachides. (Une nouvelle étude semble appuyer l'hypothèse de la double exposition. Allergies: gare à la poussière d'arachide!)
Selon celle-ci, même si un nourrisson ne mange pas d'un aliment, il peut y être exposé dans son environnement. Par exemple, si une famille consomme beaucoup de beurre d'arachide, de petites quantités peuvent se retrouver sur la peau du bébé. Si celui-ci a de minuscules coupures, les molécules allergènes de l'arachide peuvent alors entrer en contact avec le système immunitaire de l'enfant qui croira qu'il s'agit d'un danger à éliminer. À partir de ce moment, l'enfant réagira chaque fois qu'il sera en présence d'arachides. (Une nouvelle étude semble appuyer l'hypothèse de la double exposition. Allergies: gare à la poussière d'arachide!)
Au contraire, si l'enfant consomme relativement tôt et régulièrement un aliment, c'est plutôt sa bouche et son système digestif qui seront en contact avec l'allergène. Cette exposition orale et gastro-intestinale permettrait à des cellules bien particulières, les cellules T régulatrices, de promouvoir la tolérance à cet allergène.
En d'autres termes, si un enfant est en contact avec un allergène dans son milieu, il doit en manger rapidement pour développer une tolérance avant d'y devenir allergique. Par conséquent, plus on attend pour offrir un aliment à un enfant, plus le risque est grand que l'enfant y soit exposé de façon cutanée avant d'avoir eu le temps d'y devenir tolérant.
Aujourd'hui, la Société canadienne de pédiatrie mentionne donc qu'il n'y a pas d'avantages à retarder l'introduction des solides, même les plus allergènes, après 6 mois. Est-ce que cela signifie pour autant qu'il faut introduire les aliments solides le plus tôt possible? Pas nécessairement.
En fait, une étude réalisée aux États-Unis a démontré que l'introduction des solides avant l'âge de 17 semaines favorise le développement des allergies. À première vue, ces résultats semblent contredire la position de la Société canadienne de pédiatrie, mais ce n'est pas le cas.
Les scientifiques proposent en effet que le mécanisme de tolérance dont nous avons parlé ne serait fonctionnel qu'à partir de 17 semaines de vie. Avant ce moment, l'exposition aux allergènes stimule les allergies plutôt que la tolérance. Par ailleurs, les chercheurs américains croient que le mécanisme de tolérance n'est pas spécifique aux aliments allergènes. Le simple fait de consommer des fruits et légumes après l'âge de 4 mois serait bénéfique puisque ceux-ci ont un effet antioxydant qui influence les processus inflammatoires, les cellules T régulatrices et la flore intestinale.
Il existerait donc une fenêtre bien précise pour introduire les aliments solides sans augmenter le risque d'allergies. C'est ce qui expliquerait pourquoi certaines recommandations sont en apparence contradictoires. En bref, le juste milieu est vraisemblablement la solution pour diminuer la fréquence des allergies : ni trop tôt ni trop tard.
Références :
Société canadienne de pédiatrie. (2013) L'exposition alimentaire et la prévenion des allergies chez les nourrissons à haut risque. Consulté le 12 septembre 2014.
Grimshaw KE1, Maskell J, Oliver EM, Morris RC, Foote KD, Mills EN, Roberts G, Margetts BM. (2013) Introduction of complementary foods and the relationship to food allergy. Pediatrics. 2013 Dec; 132(6) : e1529-38. doi : 10.1542/peds.2012-3692. Epub 2013 Nov 18.
Grimshaw KE1, Maskell J, Oliver EM, Morris RC, Foote KD, Mills EN, Roberts G, Margetts BM. (2013) Introduction of complementary foods and the relationship to food allergy. Pediatrics. 2013 Dec; 132(6) : e1529-38. doi : 10.1542/peds.2012-3692. Epub 2013 Nov 18.