Un rapport du Center for Disease Control (CDC) révèle une situation inquiétante : selon certaines estimations, plus de 10 000 enfants de 2 ou 3 ans aux États-Unis reçoivent de la médication pour traiter un trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Ces résultats ont été présentés au Georgia Mental Health Forum le 16 mai dernier et ont fait l'objet d'un article dans le New York Times.
Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs du CDC ont épluché les réclamations faites auprès du programme Medicaid ou des compagnies d'assurances privées. Ils ont ainsi calculé qu'en Géorgie, 1 tout-petit sur 225 était traité avec des psychostimulants comme le Ritalin ou l'Adderall.
Cette situation inquiète les experts américains puisque ce traitement n'est pas du tout recommandé par les organisations médicales comme l'Académie américaine de pédiatrie (AAP). En fait, cet organisme n'offre même pas de lignes directrices pour diagnostiquer un TDAH chez les moins de 3 ans. Il existe en effet très peu de données scientifiques permettant d'établir ce genre de diagnostic en bas âge.
Avant 4 ans, l'hyperactivité et l'impulsivité font partie du développement normal d'un enfant. Certains experts américains croient donc que la prescription de médicaments comme le Ritalin ou l'Adderall à des tout-petits est une faute professionnelle. Les risques d'effets secondaires sont en effet plus grands chez ces jeunes enfants. Les scientifiques citent entre autres le retard de croissance, l'insomnie, la perte d'appétit et les hallucinations. Certains s'inquiètent également de problèmes cardiaques potentiels et de la dépendance aux drogues à l'adolescence ou à l'âge adulte.
Même chez les 4 à 5 ans, la thérapie comportementale constitue la première option de traitement en présence de symptômes d'hyperactivité ou d'inattention. On enseigne alors aux parents à offrir un environnement plus structuré à leur enfant. On leur explique aussi comment développer un lien positif avec leur petit et comment utiliser efficacement la discipline. Enfin, on aide les parents à avoir des attentes réalistes par rapport au comportement de leur enfant. Dans les cas où ces approches n'apportent aucune amélioration et que l'enfant ne peut pas fonctionner adéquatement dans le quotidien, le médecin pourrait envisager la médication. Ces situations sont toutefois exceptionnelles selon les chercheurs du CDC.
La situation au Québec
Il existe peu d'information sur le TDAH chez les tout-petits québécois. Selon des chiffres de l'Institut de la statistique, 8 % des enfants ont un niveau élevé de symptômes d'hyperactivité et d'inattention entre 3 ans et demi et 8 ans alors que pour 38 % d'entre eux, on parle plutôt d'un niveau modéré. L'Institut universitaire en santé mentale Douglas aborde pour sa part le sujet de l'âge recommandé pour commencer la médication. D'après leur site web, les médicaments peuvent être utilisés à partir de la première année, mais dans 2 à 3 cas sur 500, ils sont offerts à des enfants d'âge préscolaire.
Selon les experts américains, les médicaments pour traiter le TDAH constituent parfois la solution facile de médecins pressés pour parents désemparés. Ce n'est donc pas tout de remettre en question leur utilisation. Investir dans le soutien aux familles représente peut-être la seule vraie façon d'aider ces enfants à s'épanouir.
Sources :
Schwarz, A. (2014,16 mai) Thousands of Toddlers Are Medicated for A.D.H.D., Report Finds, Raising Worries. The New York Times.
Visser, Susanna.(2014) Implementing the IDT Strategic Plan & Unpacking the GA Data Among Young Children in GA. Rosalynn Carter Georgia Mental Health Forum. 48-67.
Cardin, J.F., Desrosiers, H., Belleau, L., Giguère, C. et Boivin, M. (2011) Les symptômes d’hyperactivité et d’inattention chez les enfants de la période préscolaire à la deuxième année du primaire. Institut de la statistique du Québec : portraits & trajectoires no. 12.
Institut universitaire en santé mentale Douglas. (2012) Réponses d'experts : Déficit de l'attention.