Une onde de choc a secoué le monde de la périnatalité. Un article publié dans le Journal of Obstetrics and Gyneaecology Canada (JOGC) remet en cause l'efficacité et la sécurité du Diclectin, un médicament utilisé pour soulager les nausées et les vomissements par la moitié des femmes enceintes au Canada. Certains médias ont même écrit « que l'utilisation de ces deux produits ensemble par la mère durant sa grossesse pourrait être reliée à un risque accru de cancer infantile chez son bébé. » Devant l'inquiétude des femmes, le centre IMAGe du CHU Sainte-Justine et la Société des obstétriciens-gynécologues du Canada ont souhaité réagir publiquement.
L'efficacité du Diclectin
Les auteurs de l'article du JOGC croient que le Diclectin, une combinaison de doxylamine et de vitamine B6, ne serait pas plus efficace que la vitamine B6 seule pour traiter les nausées et les vomissements. Les pharmaciens du centre IMAGe expriment toutefois leur désaccord. Selon eux, la combinaison des deux substances permettrait une libération retardée du médicament et les femmes pourraient ainsi le prendre au coucher tout en ayant un soulagement au matin. Cette façon d'utiliser la doxylamine et la vitamine B6 serait d'ailleurs basée sur une grande expérience clinique, expliquent les pharmaciens. De plus, l'histoire même du Diclectin démontrerait son efficacité. En effet, lorsqu'un équivalent de ce médicament a été retiré du marché en 1983, les experts ont observé une augmentation de 37 % des hospitalisations dues aux nausées et aux vomissements de grossesse.
La sécurité du Diclectin
Les auteurs, qui sont associés à l'Université de Toronto, croient que la sécurité du Diclectin n'est pas bien établie, contrairement à ce qu'en dit la Société des obstétriciens-gynécologues du Canada.
Par exemple, l'équipe ontarienne s'interroge sur une étude souvent citée pour justifier l'utilisation du médicament. Celle-ci, qui conclut que le Diclectin diminue la fréquence des malformations congénitales, n'aurait pas été réalisée sur 200 000 femmes comme on le rapporte habituellement, mais plutôt sur 130 000. Lorsqu'on tient compte de cette information, le Diclectin n'a alors plus d'effet positif sur les malformations congénitales. Selon le centre IMAGe, cette nouvelle analyse maintient toutefois que le Diclectin n'est pas associé à ce genre de complications.
Certaines petites études indiqueraient aussi que le Diclectin augmente les risques de sténose du pylore et de cancers infantiles, mentionnent les chercheurs de Toronto, tout en spécifiant que ceux-ci demeurent faibles.
Le centre IMAGe reconnaît que les recherches sur la sténose du pylore, une pathologie de l'estomac du nouveau-né, sont en effet contradictoires. Cependant, cette condition est très rare et n'affecte que 2 à 3 enfants sur 1000. Même en supposant que le Diclectin en accentue la fréquence, on parlerait alors seulement de 5 enfants sur 1000. Par ailleurs, ce problème se développe en fin de grossesse alors que le Diclectin est plutôt utilisé pendant le premier trimestre.
Enfin, le centre IMAGe répond aux inquiétudes des chercheurs concernant le risque de cancers infantiles. Les pharmaciens du CHU Sainte-Justine soulignent que deux publications seulement se sont penchées sur les liens entre le Diclectin et ce type de cancer et qu'elles n'ont pas trouvé d'association significative sauf en analyse secondaire. De plus, certaines limites méthodologiques limiteraient la portée de ces résultats.
Alors, que faut-il en penser?
Selon l'article du JOGC, les recommandations pour la gestion des nausées et des vomissements pendant la grossesse devraient être modifiées pour favoriser la prescription de traitements alternatifs comme la vitamine B6.
Du côté du centre IMAGe du CHU Sainte-Justine, on dit plutôt que le Diclectin demeure une option de première ligne. Bien sûr, si la vitamine B6 seule offre un soulagement à la femme enceinte, elle peut aussi être utilisée. Il ne faut toutefois pas minimiser les risques de ne pas traiter les nausées et les vomissements pendant la grossesse, tiennent-ils à souligner.
Enfin, la Société des obstétriciens-gynécologues du Canada maintient que le Diclectin ne pose aucun danger pendant la grossesse.
Un équivalent du Diclectin a été commercialisé pour la première fois dans les années 1950. Selon le fabricant, 33 millions de femmes ont utilisé ce médicament pour soulager leurs nausées et leurs vomissements pendant la grossesse.
Références :
Centre IMAGe. (2014, 16 avril) Réactions préliminaires à la lecture de l’article« Should Doxylamine-Pyridoxine Be Used for Nausea and Vomiting of Pregnancy? » CHU Sainte-Justine.
Koehler, Geoff (2014, 15 avril) Despite claims, commonly prescribed medication doesn't reduce birth defects, study finds. University of Toronto.
Persaud N, Chin J, Walker M. (2014) Should doxylamine-pyridoxine be used for nausea and vomiting of pregnancy? J Obstet Gynaecol Can 36(4)343-8.
Persaud N, Chin J, Walker M. (2014) Should doxylamine-pyridoxine be used for nausea and vomiting of pregnancy? J Obstet Gynaecol Can 36(4)343-8.
Société des Obstétriciens et Gynécologues du Canada. Nouvelles à la SOGC. L’utilisation du Diclectin ne pose aucun danger.