J'écris rarement en utilisant le « je ». C'est parce que je ne me considère pas comme une experte, mais comme une vulgarisatrice. Je préfère expliquer les résultats des scientifiques plutôt que de donner mon opinion très approximative sur un sujet que je ne maîtrise pas. Mais voilà, on me demande souvent mon avis sur telle ou telle étude un peu étrange qui se retrouve à la une des journaux. Je fais donc une exception aujourd'hui pour parler des 5 choses que je vérifie toujours pour évaluer la crédibilité d'une nouvelle scientifique.
1. Les conflits d'intérêts : Un conflit d'intérêts, c'est lorsque l'auteur d'une étude a des motivations externes qui pourraient influencer son intégrité. Bien sûr, on pense d'abord aux intérêts financiers. Prenons l'exemple d'un scientifique qui reçoit de l'argent de Jenny Craig et qui écrit ensuite : « La perte de poids est plus grande avec des programmes qui fournissent des repas. » Dans un cas comme celui-là, je me pose des questions. Cependant, je m'interroge aussi lorsqu'une personne est émotivement impliquée dans son sujet d'étude. Les militants ne font pas nécessairement les meilleurs chercheurs, même si leur cause est juste.
2. Les facteurs confondants : Ces facteurs sont des variables externes au phénomène étudié, mais qui peuvent influencer directement les résultats d'une expérience. Ainsi, un scientifique qui s'intéresse à l'effet de la consommation d'alcool pendant la grossesse sur le développement cognitif du tout-petit DOIT tenir compte de l'éducation de la mère, de son style de vie ou de l'environnement dans lequel l'enfant grandit. Sinon, il risque de conclure quelque chose d'étrange comme « l'alcool consommé en quantité modérée favorise le développement de l'enfant ».
3. Le mécanisme biologique : Lorsqu'une étude arrive à un résultat quelconque, il faut que celui-ci puisse être expliqué par les connaissances théoriques que nous avons déjà dans le domaine. Une recherche qui démontre un effet de la pleine lune sur la fertilité humaine est vraisemblablement très mauvaise puisqu'il n'existe aucun moyen d'expliquer raisonnablement cette observation. Si une conclusion ne fait pas de sens selon moi, je suis toujours un peu sur mes gardes. Oui, je sais, l'Histoire est parsemée de révolution scientifique. Toutefois, c'est plus souvent l'exception que la règle.
4. La façon de définir les groupes : Dans le domaine de l'allaitement, c'est particulièrement important. Instinctivement, on pense à comparer les nourrissons qui ont été allaités à ceux qui ne l'ont pas été. Cependant, qu'est-ce qu'on entend exactement par un enfant qui a été allaité? En théorie, un bébé qui a reçu une seule tétée au sein est un bébé qui a été allaité. Pourtant, tout le monde sera d'accord qu'il y a très peu de différences entre cet enfant et celui qui n'a pas été allaité du tout. Une définition adéquate de l'allaitement est donc importante si on veut éviter les grands titres du genre « L'allaitement n'a aucun avantage ».
5. Est-ce que les résultats supportent les conclusions? Certains chercheurs ont la fâcheuse habitude d'extrapoler à partir de leurs données. Prenons une étude qui révèle que les réveils nocturnes des bébés sont plus souvent associés au fait d'être un bébé irritable à 6 mois, aux maladies de l'enfant, à la dépression maternelle, à l'allaitement et à une plus grande sensibilité maternelle. Personnellement, je ne vois pas comment on peut conclure à partir de ces résultats que c'est la preuve hors de tout doute que les parents doivent laisser pleurer leur bébé. Je tente donc de départager les opinions des conclusions basées sur des données sérieuses.
En bref, l'essentiel est de garder un esprit critique. C'est ce que j'essaie de faire lorsqu'une nouvelle étude fait les manchettes et que je veux me faire une idée de sa valeur.