28 mars 2014

Vous êtes enceinte? Eh bien, vomissez maintenant!

Votre souhait le plus cher est de mettre au monde un nouveau Einstein? Avez-vous envisagé de vomir un peu pendant votre grossesse? En effet, selon une nouvelle qui circule sur les médias sociaux, les nausées et les vomissements amélioreraient le développement intellectuel des enfants.

Il s'agit en fait d'une étude publiée en 2009 et réalisée par des chercheurs du Hospital for Sick Children de Toronto. Ceux-ci ont étudié trois groupes de mères. Dans le premier, ces femmes avaient vécu des nausées ou des vomissements pendant leur grossesse et avaient utilisé un médicament, le diclectin, pour soulager leurs symptômes. Dans le deuxième, les mères avaient aussi connu ce désagrément, mais n'avaient pas utilisé de médicament pour y remédier. Enfin, le troisième groupe n'a pas expérimenté de nausées matinales.

Les scientifiques ont ensuite évalué les fonctions cognitives des enfants de ces femmes, âgés de 3 à 7 ans. Selon les tests réalisés au cours de l'étude, les enfants dont la mère avait souffert de nausées ou de vomissement pendant la grossesse avaient un QI plus élevé, une meilleure mémoire et un meilleur langage. Les chercheurs avancent même que la sévérité de ces malaises pouvait prédire le score des enfants à ces différents tests. La prise de diclectin ne semblait cependant pas influencer ces observations.

Bonne nouvelle toutefois! Tous les enfants étudiés avaient des résultats normaux pour les critères mesurés. Par conséquent, si vous n'avez pas eu le cœur flottant pendant neuf mois, votre petit devrait quand même terminer son primaire.

Selon les chercheurs, les nausées matinales seraient causées par des modifications dans la sécrétion de certaines hormones comme l'hormone de grossesse (HCG) ou la thyroxine. Celles-ci favorisent la croissance du placenta, mais pourraient aussi être responsables des effets bénéfiques observés dans cette étude. Les scientifiques rappellent d'ailleurs que d'autres recherches ont démontré que les nausées diminuent le risque de fausses couches, de bébés mort-nés et de travail prématuré. En bref, les nausées constitueraient le symptôme d'une grossesse en santé.

Alors, voilà! Tout est dit. Hors des nausées, point de salut.

Peut-être pas finalement... Des experts du NHS, un organisme associé au Department of Health d'Angleterre, ont mis en ligne une analyse de cette étude. Selon eux, celle-ci ne prouve pas du tout que les nausées améliorent l'intelligence. Entre autres, le lien entre la sévérité des nausées et le QI devra être démontré plus sérieusement. Pourquoi? Parce que certains aspects de cette recherche posent problème.

D'abord, il s'agit d'une étude rétrospective. Cela signifie qu'on a demandé à ces femmes de donner des détails sur leur vécu pendant leur grossesse alors que celle-ci a eu lieu il y a 3 à 7 ans. Leurs souvenirs ne sont peut-être pas tout à fait exacts. En particulier, évaluer précisément la sévérité des nausées après tout ce temps est difficile.

Ensuite, pour mesurer l'intelligence des enfants, les chercheurs n'ont pas toujours utilisé les mêmes tests, ce qui est un problème en soi. En effet, lorsqu'on effectue ce genre de comparaison, employer un seul outil permet de s'assurer que les effets observés ne s'expliquent pas par une différence de précision d'un test à l'autre. L'âge des enfants varie aussi beaucoup. Étant donné que l'intelligence n'est pas la même à 3 et à 7 ans, cela pourrait causer des effets inattendus sur les résultats. Par ailleurs, les chercheurs ont analysé 90 critères précis pour évaluer le développement neural et seulement 8 d'entre eux étaient plus élevés pour les enfants de mères avec des nausées. Cette observation pourrait être due au hasard selon les experts du NHS.

Enfin, les auteurs de l'étude mettent leurs résultats sur le compte des variations hormonales. Pourtant, ils n'ont effectué aucune mesure du taux d'hormone des participantes. Le mécanisme proposé demeure donc une hypothèse qu'il reste à prouver.

Les experts du NHS soulignent aussi que l'étude a été financée par la compagnie qui produit le diclectin.

Alors, malheureusement, la solution pour faire évoluer la race humaine vers un niveau supérieur d'intelligence qui lui permettra de voter sagement aux élections ne sera pas de faire vomir davantage les femmes enceintes. Mais ne vous inquiétez pas, on nous proposera sûrement très bientôt une nouvelle idée pour rendre nos rejetons géniaux.

Références :
Nulman I1, Rovet J, Barrera M, Knittel-Keren D, Feldman BM, Koren G. (2009) Long-term neurodevelopment of children exposed to maternal nausea and vomiting of pregnancy and diclectin. J Pediatr. 2009 Jul;155(1):45-50, 50.e1-2. doi: 10.1016/j.jpeds.2009.02.005. Epub 2009 Apr 24.

SickKids (n.d.) Motherisk News: Morning sickness may lead to brighter kids. Consulté le 27 mars 2014.

Norton, Amy. (2009, 31 juillet) Morning sickness tied to higher child IQ. Reuters. Consulté le 27 mars 2014

NHS choices. (2009, May 7) Morning sickness "ups baby IQ". Consulté le 27 mars 2014.

24 mars 2014

Question de la semaine : De l'humeur à la production de lait

Aujourd'hui, je me penche sur un sujet proposé par Chantal Lavigne : la sérotonine et la production de lait.

La sérotonine est une petite molécule bien connue pour son rôle comme neurotransmetteur dans le système nerveux. Ce que peu de gens savent toutefois, c'est son importance pour contrôler la production de lait chez les femmes allaitantes. L'équipe du Dr Horseman de Cincinnati travaille depuis plusieurs années pour mieux comprendre le phénomène et du même coup mettre fin au mythe du FIL.

Le FIL (pour feedback inhibitor of lactation) est une molécule prétendument présente dans le lait maternel et qui, lorsqu'elle s'y accumule, en ralentirait la production. « Ce qui a été appelé FIL n'a jamais été identifié en fait. Certains disent qu'il s'agit d'une protéine, mais les experts dans le domaine doutent de son existence. Il faut éviter d'utiliser ce terme lorsque cela est possible. Malheureusement, il s'est glissé dans les manuels de lactation et il y persiste, » explique Dr Horseman.

Le scientifique croit plutôt que c'est la sérotonine qui règle en partie la production de lait. « La sérotonine est une molécule chimique qui a été identifiée spécifiquement dans la glande mammaire. On connaît même la façon dont elle y est produite, » mentionne Dr Horseman. La sérotonine est en effet fabriquée à partir du tryptophane grâce, entre autres, à l'enzyme TPH. Celle-ci existe sous deux formes, TPH1 et TPH2. Si TPH1 est présente uniquement dans les neurones, on sait toutefois que TPH2 est active dans les cellules du sein.

« Il a été prouvé que la sérotonine est un régulateur de la production de lait. Plusieurs de ses mécanismes d'actions ont été élucidés et ont fait l'objet d'articles scientifiques, » souligne Dr Horseman.

La régulation de la production de lait
Pour bien comprendre ces mécanismes, il est bon de rappeler quelques étapes menant à la montée de lait.

Lorsque le bébé vient au monde, la mère ne produit que de très peu de colostrum, un liquide différent du lait mature. En effet, à ce stade de la lactation, il existe des espaces entre chaque cellule alvéolaire du sein, ce qui permet à toute sorte de composantes d'entrer dans le lait et d'en sortir sans aucune contrainte. Pour que la lactation démarre vraiment, ces espaces doivent se refermer pour former des jonctions serrées.

C'est à partir de ce moment que la sérotonine pourra jouer son rôle.

Lorsque le lait s'accumule dans le sein entre les tétées, la concentration de sérotonine qu'il contient augmente. Si celle-ci est présente en petite quantité pour une courte période de temps, elle garde les jonctions serrées bien fermées et assure que les cellules mammaires demeurent sous une forme active. C'est ce qui maintient la production jusqu'à la prochaine fois où le bébé voudra boire.

Cependant, si la quantité de sérotonine augmente passé un certain seuil pendant trop longtemps, elle déclenche les premières étapes de l'involution, c'est-à-dire le mécanisme par lequel les seins retournent à leur état d'avant la grossesse. Pour y arriver, la sérotonine provoque l'ouverture des jonctions serrées et modifie aussi la forme des cellules pour les rendre inactives.

L'apport en calcium

Par ailleurs, la sérotonine contrôlerait en partie la composition du lait.

Structure de la sérotonine
Lorsque le bébé tète, il stimule la production de lait dans les alvéoles. Lors de ce processus, du calcium y est transporté à partir du sang. Par conséquent, la quantité de calcium sanguin diminue et c'est la sérotonine qui est responsable d'assurer son remplacement. Pour ce faire, elle stimulera certaines enzymes qui iront chercher le calcium des os.

Production de lait et dépression
Ces études sur la sérotonine peuvent sembler grandement théoriques. Les implications dans la vie des femmes sont toutefois beaucoup plus importantes qu'on pourrait le croire, en particulier pour celles qui souffrent de dépression.

Les médicaments qui augmentent les niveaux de sérotonine en circulation comme les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont en effet utilisés pour diminuer l'anxiété et la dépression. Pourraient-ils avoir un impact sur l'allaitement?

Selon certains chercheurs, lorsqu'ils cultivent des cellules en laboratoire et les mettent en présence de médicaments comme le Prozac, ils observent des effets similaires à ceux causés par la sérotonine. Par ailleurs, chez les rats et les vaches laitières, on a remarqué que ce médicament accélère l'involution.

De plus, les femmes qui prennent des médicaments de type ISRS pendant le troisième trimestre de leur grossesse et en période post-partum auraient une montée de lait retardée d'environ 24 heures. Bien sûr, cela ne signifie pas que ces femmes devraient cesser leur médication, mais plutôt qu'elles devraient être suivies et soutenues pour éviter que leur bébé perde trop de poids ou souffre de déshydratation.

Les scientifiques savent depuis longtemps que la sérotonine est impliquée dans des phénomènes comme la régulation de l'humeur, la coagulation sanguine, les mouvements de l'intestin et au niveau du système cardio-vasculaire. Cependant, les découvertes de l'équipe du Dr Horseman et de tous ceux qui cherchent à mieux comprendre le rôle de la sérotonine dans la production de lait ouvrent de nouvelles pistes de recherche.

Nous avons maintenant une idée plus juste de ce qui arrive vraiment lorsque la production de lait se tarit. Espérons que ces résultats se rendront jusqu'aux manuels de lactation pour en chasser le FIL. « Le FIL et la sérotonine ne sont pas la même chose puisque le FIL n'existe pas, mais la sérotonine, oui! » tranche Dr Horseman.


Référence :
Horseman, Nelson (2012, 24 juin). « Serotonin-mediated regulation of milk production and FIL » [courriel] (message personnel expédié à Kathleen Couillard).

Marieb, Elaine N. (2008) Biologie humaine, 2éd., Montréal : Éditions du Renouveau Pédagogique.

Marshall AM1, Hernandez LL, Horseman ND. (2014) Serotonin and serotonin transport in the regulation of lactation. J Mammary Gland Biol Neoplasia. 19(1) : 139-46. doi : 10.1007/s10911-013-9304-6. Epub 2013 Oct 18.

21 mars 2014

La peur et la dépression

Donner naissance à un enfant constitue une expérience puissante qui peut même changer la vie d'une femme. Malheureusement, pour certaines futures mères, l'idée d'accoucher est une source d'anxiété intense. Selon des chercheurs finlandais, cette peur ne serait pas à prendre à la légère puisqu'elle augmenterait la fréquence de la dépression post-partum.

Dans leur étude réalisée auprès de 500 000 femmes, les scientifiques ont noté que celles dont le médecin a diagnostiqué une peur d'accoucher courraient trois fois plus de risque d'être dépressives après l'arrivée de leur bébé. Chez les femmes qui avaient déjà vécu une dépression dans le passé, cette crainte multipliait le risque de dépression par 5.

Ces résultats confirment ceux d'une méta-analyse démontrant que la dépression ou l'anxiété pendant la grossesse favorise la dépression post-partum. D'autres aspects comme un accouchement par césarienne, une naissance prématurée ou un nouveau-né avec une anomalie congénitale majeure sont aussi associés à une fréquence plus élevée de ce problème de santé mentale.

L'identification des facteurs de risque est très importante pour permettre aux professionnels de dépister efficacement les mères qui auront besoin d'une aide particulière après la venue de leur enfant. 

Surtout, ces résultats rappellent l'importance de changer notre façon de voir la naissance. Notre société présente en effet cette étape cruciale comme un mauvais moment à passer pour la mère. On ne s'étonne alors pas que 20 à 25 % des femmes enceintes canadiennes aient une peur significative de l’accouchement. Cette situation a malheureusement un impact direct sur la santé mentale des femmes et du fait même sur le développement de leur enfant. Un argument de plus pour le mouvement d'humanisation des naissances.

Références : 
University of Eastern Finland (2014, 3 janvier) Fear of childbirth predicts postpartum depression. EurekAlert. Consulté le 20 mars 2013

Haines H. M., Rubertsson C., Pallant J.F. and Hildingsson, I. (2012) The influence of women’s fear, attitudes and beliefs of childbirth on mode and experience of birth. BMC Pregnancy and Childbirth 12:55.
Räisänen S1, Lehto SM, Nielsen HS, Gissler M, Kramer MR, Heinonen S. (2013) Fear of childbirth predicts postpartum depression: a population-based analysis of 511 422 singleton births in Finland. BMJ Open. 3(11):e004047. doi: 10.1136/bmjopen-2013-004047.

18 mars 2014

Question de la semaine : Que faire quand bébé ne sait plus où donner de la tête?

Aujourd'hui, je réponds à la question d’Éloise : « Est-ce que les approches alternatives sont efficaces pour changer la présentation du bébé en siège? »

Les fœtus n'ont peut-être pas encore la tête dure, mais ils ont parfois la fâcheuse idée de ne pas se retourner pour sortir la tête la première comme c'est la coutume chez les êtres humains depuis bien longtemps. À peine 30 semaines d'existence et déjà anticonformiste!

Comme cette position peut entraîner des complications lors de l'accouchement et même mener à une césarienne, les médecins choisissent souvent de tourner eux-mêmes le bébé récalcitrant. Ils administrent alors un médicament à la mère pour relaxer l'utérus et placent manuellement, et de l'extérieur, le fœtus dans la bonne direction.

Il est toutefois possible d'utiliser des approches alternatives pour que le bébé en vienne à modifier lui-même sa position. Ces techniques veulent en effet d'encourager le bébé à bouger et lui donner plus d'espace pour qu'il se montre plus raisonnable.

Les techniques posturales
L'idée derrière cette approche est de demander à la mère de relaxer en plaçant son bassin plus haut que ses épaules. Par exemple, dans la position du pont passif de Bayer, elle est couchée sur le dos, les vertèbres lombaires surélevées de 30 à 35 cm et supportées par un coussin, pendant environ 20 minutes. Une autre possibilité, la position genu-pectorale, requiert que la femme se mette à genou puis s'incline vers l'avant pour déposer les avant-bras et les coudes sur le sol.

Six études de qualité (contrôlées, randomisées) ont été réalisées sur ces techniques. Ces études ne pouvaient toutefois pas être faites à l'aveugle et le nombre total de femmes étudiées était petit (417 au total). Selon des chercheurs du collectif Cochrane, ces techniques n'affecteraient pas le nombre de naissances en siège ni le taux de césarienne. Cependant, les chercheurs soulignent que le fait de commencer les méthodes posturales très tôt pendant la grossesse ou de faire l'exercice avec une vessie pleine pourrait en augmenter l'efficacité. Il serait toutefois prématuré de recommander cette approche à toutes les femmes dont le bébé est en siège.

L'acupuncture
D'après les acupuncteurs, il existe un point situé à proximité de l'angle externe du 5e orteil qui pourrait être utile dans les cas de siège. Lorsque celui-ci est stimulé, il activerait certaines terminaisons nerveuses qui pourraient provoquer des contractions utérines. Le fœtus réagirait alors en bougeant et pourrait donc se replacer dans la bonne position. De plus, il est possible de stimuler ce point grâce à la chaleur émise par la combustion d'une plante (Artemisia vulgaris), un procédé appelé moxibustion. Les acupuncteurs croient que cela permettrait de favoriser la production d'estrogènes et de prostaglandine.

Selon une revue Cochrane réalisée sur le sujet, il existe huit études contrôlées randomisées impliquant 1346 femmes qui analysent la moxibustion. D'après celles-ci, la technique seule n'influencerait pas les bébés en sièges, mais diminuerait l'utilisation d'ocytocine synthétique pendant l'accouchement. Par contre, si la moxibustion est combinée à l'acupuncture, elle semble réduire le taux de césarienne. Enfin, l'utilisation de la moxibustion de concert avec les stratégies posturales pourrait aider les bébés à se retourner.

La chiropractie
Dans le cas d'un siège, les chiropraticiens suggèrent parfois la technique de Webster qui vise à enlever les contraintes intra-utérines musculo-squelettiques. Elle comprend deux aspects. Tout d'abord, elle cherche à faire une correction au niveau des os du bassin pour favoriser le relâchement des ligaments pelviens, le mouvement des articulations sacro-iliaques et la rotation du sacrum. Ensuite, elle évalue les spasmes musculaires abdominaux. Selon une enquête postale réalisée auprès des membres de l'Association Internationale de Chiropraxie Pédiatrique, cette approche aurait un taux de succès de 92 %. À ce jour, il n'existe toutefois pas d'études cliniques sérieuses en analysant l'efficacité.

L'hypnose
L'hypnose pourrait aider un fœtus à se renverser en favorisant un relâchement général chez la mère et en diminuant la crainte et l'anxiété. D'après une petite étude de cas-contrôles réalisée auprès de 100 femmes, les bébés des femmes qui ont eu recours à l'hypnose se sont retournés dans 84 % des cas, comparativement à 48 % pour le groupe contrôle. Ce type d'étude ne permet toutefois pas de faire un lien de cause à effet puisque l'assignation des femmes à chaque groupe n'a pas été fait au hasard.

Comme pour la plupart des approches non médicales, il existe encore bien peu d'études pour juger de la fiabilité de ces techniques quand vient le temps de convaincre un bébé de se retourner. Des recherches bien exécutées permettront sans doute d'éclaircir la situation dans le futur.

Il faut toutefois mentionner que même sans intervention, 57 % des fœtus qui sont en siège à 32 semaines se retourneront gentiment eux-mêmes. La patience est peut-être une bonne attitude à avoir lorsque notre bébé choisit de faire à sa tête. Sinon, il est possible de tenter le coup si la mère est intéressée, quitte à utiliser une méthode plus directe, comme la version externe, vers 36 semaines si le bébé persiste dans sa position.


Références :
Boog G.(2004) Les méthodes alternatives à la version par manoeuvre externe en cas de présentation du siège. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris).33(2):94-8.

Coyle ME1, Smith CA, Peat B. (2005) Cephalic version by moxibustion for breech presentation. Cochrane Database Syst Rev. 2005 Apr 18;(2):CD003928.

Coyle ME1, Smith CA, Peat B. (2012) Cephalic version by moxibustion for breech presentation. Cochrane Database Syst Rev. 2012 May 16;5:CD003928. doi: 10.1002/14651858.CD003928.pub3.

Hofmeyr GJ1, Kulier R. (2012) Cephalic version by postural management for breech presentation. Cochrane Database Syst Rev. 2012 Oct 17;10:CD000051. doi: 10.1002/14651858.CD000051.pub2.

Mehl LE. (1994) Hypnosis and conversion of the breech to the vertex presentation. Arch Fam Med. 3(10):881-7.

Pistolese RA. (2002) The Webster Technique: a chiropractic technique with obstetric implications. J Manipulative Physiol Ther. 25(6):E1-9.

Roecker CB. (2013) Breech repositioning unresponsive to Webster technique: coexistence of oligohydramnios. J Chiropr Med. 12(2):74-8. doi: 10.1016/j.jcm.2013.06.003.

14 mars 2014

Le débat sur l'alimentation autonome

Parlons des vraies affaires! Vous croyez que les sujets de l'heure sont la Charte des valeurs québécoises, PKP et le PQ ou un possible référendum sur la souveraineté du Québec? (Lectrices françaises, remerciez-moi pour ce résumé très concis de l'actualité québécoise!) Détrompez-vous! Le réel débat dans les chaumières est beaucoup plus fondamental : morceaux ou purée?

L'alimentation autonome est en effet une petite révolution. Alors que des générations de bébés ont été nourries au pablum, voilà que depuis quelques années des mères choisissent de bouder les cuillères et les purées pour laisser leur tout-petit expérimenter lui-même avec la nourriture.

Les partisans de cette nouvelle approche encouragent leur nourrisson à s'alimenter lui-même avec ses mains. D'un point de vue développemental, les bébés âgés de plus de 6 mois auraient en effet la capacité de prendre des aliments et de les porter eux-mêmes à leur bouche. La méthode aurait certains avantages. Elle diminuerait l'anxiété maternelle par rapport à l'alimentation de même que la pression à manger ou les restrictions alimentaires. Elle favoriserait aussi de meilleures habitudes alimentaires et un indice de masse corporel adéquat.

Malheureusement, il existe encore peu d'études scientifiques sur le sujet et la qualité de celles-ci est discutable. En particulier, la plupart d'entre elles ont été réalisées auprès de familles très spécifiques, d'où la difficulté à généraliser leurs conclusions à l'ensemble de la population.

L'étude de 199 familles a d'ailleurs démontré que la définition de l'alimentation autonome varie énormément. Par exemple, dans certaines qui disent essayer cette approche, le tout-petit s'alimentera complètement lui-même alors que dans d'autres, le nourrisson recevra plus de 50 % de sa nourriture à la cuillère.

Les familles du premier groupe ont des caractéristiques très précises. Elles n'offrent pas de céréales enrichies en fer, allaitent exclusivement jusqu'à 6 mois, proposent au bébé la même nourriture que la famille et n'utilisent pas d'aliments pour bébé commerciaux. En fait, le seul point commun entre les deux groupes, c'est l'importance du repas familial.

Beaucoup plus de familles se retrouvent dans le deuxième groupe. Ces familles vont employer la cuillère pour différentes raisons. Par exemple, si leur bébé ne peut pas s'alimenter parce qu'il est malade. Certaines offrent aussi des céréales pour s'assurer que leur bébé reçoive le fer dont il a besoin.

Le manque de fer est d'ailleurs une des inquiétudes courantes en lien avec l'alimentation autonome. Une étude récente a notamment indiqué qu'avec ce type d'alimentation, les enfants peuvent prendre plusieurs semaines avant de vraiment consommer la nourriture qui leur est présentée.

Le risque d'étouffement est aussi souvent mentionné. Certains croient en effet que les bébés coordonnent difficilement la mastication, la respiration et la déglutition. À ce jour, aucune donnée scientifique ne permet de conclure que l'alimentation autonome est plus propice à l'étouffement.

Si on parle des vraies affaires, il faut donc avouer que l'alimentation traditionnelle et l'alimentation autonome ne sont pas incompatibles. Dans les faits, la plupart des parents vont choisir d'utiliser certains aspects de chaque méthode pour trouver un équilibre qui convient à leur enfant. Après tout, élever un enfant, ce n'est pas de la politique. Il n'est pas nécessaire de suivre la ligne de parti!

Références :
Arden MA1, Abbott RL. (2014) Experiences of baby-led weaning: trust, control and renegotiation. Matern Child Nutr. 2014 Feb 13. doi: 10.1111/mcn.12106. [Epub ahead of print]

Cameron SL1, Taylor RW, Heath AL. (2013) Parent-led or baby-led? Associations between complementary feeding practices and health-related behaviours in a survey of New Zealand families. BMJ Open. 2013 Dec 9;3(12):e003946. doi: 10.1136/bmjopen-2013-003946.

11 mars 2014

Des blogueuses, la science et la maternité

Cette semaine, dans le cadre du « Pleins feux sur les femmes de science » de l'Agence Science-Presse : être mère et scientifique.

Est-ce que les mères ont moins de chances de percer dans le milieu scientifique? Une étude parue dans la revue Nature en décembre dernier laisse croire que recherche et maternité ne font pas bon ménage.

Les résultats inquiètent : les femmes publient moins, elles sont moins citées et elles collaborent moins à l'international. En fait, même dans les domaines où elles sont majoritaires comme le travail social, l'éducation ou le développement de l'enfant, elles ont moins d'impact que leurs collègues masculins. En entrevue à l'émission Je vote pour la science, Vincent Larivière, coauteur de l'étude, émet l'hypothèse que la maternité expliquerait en partie ce phénomène.

Mais qu'en pensent les principales intéressées? Pour en savoir plus, j'ai contacté trois blogueuses de science qui se penchent régulièrement sur la maternité :

- Pascale Baugé, auteure des blogues Le monde et nous et Allaitement : Bonheur et Raison et contributrice au blogue Kidi'Science,

- Tracy Cassels, auteure du blogue Evolutionnary parenting;

- Alice Callahan, auteure du blogue Science of Mom.

De Paris à la Colombie-Britannique, en passant par l'Oregon, concilier science et maternité demeure un défi.

Maman Éprouvette : Quel est votre parcours en science avant et après l'arrivée de vos enfants?


Pascale Baugé : J'ai toujours travaillé dans le domaine de l'énergie. Avant la naissance de mon premier enfant, j'étais ingénieure de recherche et les choses ont progressivement évolué jusqu'à l'arrivée de mon deuxième enfant puisque j'étais alors ingénieure intégrée au département Ingénierie/Développement chez un producteur d'électricité. Au moment de ma troisième grossesse, j'ai choisi de changer de département.

Tracy Cassels : Avant la naissance de ma fille, j'étais étudiante au doctorat, ce que je suis toujours. J'ai complété une maîtrise en psychologie clinique et je faisais mon doctorat en psychologie développementale lorsque je suis partie en congé de maternité. Maintenant, je termine ma dissertation. Je travaille aussi sur mon site « Evolutionary Parenting » dans mes temps libres, c'est-à-dire entre minuit et 2 heures du matin ou à l'heure du bain.

Alice Callahan : Après avoir complété mon baccalauréat, j'ai travaillé comme chercheuse pour 10 ans, d'abord comme technicienne, ensuite comme étudiante graduée puis, en tant que stagiaire postdoctorale. J'étais dans le domaine de la nutrition et de la physiologie fœtale. Depuis la naissance de ma fille, j'enseigne à temps partiel dans un collège communautaire et j'écris mon premier livre.

MÉ : Comment la maternité a-t-elle influencé votre carrière?


PB : Déjà avec mes deux premiers enfants, ce n'était pas très facile de concilier travail et famille. Mais, c'est l'arrivée de mon troisième qui a vraiment tout changé. Après mon congé maternité, j'ai aussi arrêté de travailler le mercredi. Le fait de changer de département et de travailler à temps partiel m'a permis de lever le pied très sérieusement sur les déplacements et d'arrêter de me sentir « coupée en deux » systématiquement. Je culpabilisais et je vivais assez mal de partir travailler en laissant mes deux petits. D'un autre côté, quand je devais renoncer à une réunion pour un enfant malade, je n'étais pas très à l'aise non plus.

TC : J'ai été très chanceuse de pouvoir compter sur le soutien de mon superviseur et du directeur des études graduées. Ils ont complètement compris mon désir de passer du temps avec ma fille. Ils m'ont donné les moyens d'y arriver tout en continuant d'écrire des articles scientifiques et de travailler sur mes recherches.

AC : Avant d'avoir un enfant, je souhaitais obtenir un poste menant à une permanence et diriger mon propre laboratoire. Quand ma fille est née, mes priorités ont changé, mais ce changement a été difficile pour moi. Je trouvais important d'être avec elle. Mon conjoint avait également un emploi stressant lui demandant de travailler beaucoup à des heures irrégulières. Je sentais que l'un d'entre nous devait donner la priorité aux besoins de notre famille.

MÉ : Croyez-vous que votre milieu est compatible avec la vie de famille? Est-il conciliant pour les nouvelles mères?

PB : Une carrière scientifique qui nécessite peu de déplacements professionnels, en milieu universitaire par exemple, me semble tout à fait compatible. Travailler en milieu industriel avec tous les enjeux financiers et humains que cela comporte, cela me paraît plutôt difficile. Cela nécessite un investissement total, et n'est pas compatible avec un temps partiel comme je le fais actuellement. Il y a une dizaine d'années, j'aurais dit que mon milieu n'est pas conciliant du tout. Lorsque mes enfants étaient malades et que je déclinais une réunion, j'étais assez mal vue même si j'essayais de compenser cela par une présence et un investissement accrus les autres jours. Je constate une certaine méfiance qui règne envers les femmes, surtout si elles sont mères, dans le domaine industriel. On a dû mal à gagner la confiance des partenaires masculins. C'est encore très misogyne. Cela évolue doucement, mais du chemin reste à faire.

TC : Dans mon milieu en général, la maternité peut malheureusement tuer une carrière. Tellement d'universités sont hostiles envers les familles. Lors du processus pour obtenir un poste de professeur permanent, on tente presque de vous tenir loin de vos proches. J'ai entendu des histoires d'horreur de familles qui ont vécu un divorce pendant ou après ce processus, de personnes qui n'étaient jamais à la maison ou qui travaillaient tout simplement en permanence lorsqu'ils y étaient. Dans le monde de la recherche académique, vous devez avoir un soutien incroyable à la maison ou attendre d'avoir un poste permanent pour fonder une famille.

AC : Je crois qu'un poste menant à une permanence dans une université ne m'aurait pas permis de faire à la fois toutes les tâches nécessaires au bien-être de notre famille et les heures requises pour faire de la bonne science. Je pense que le milieu académique peut être un bon environnement pour avoir des enfants en raison de sa flexibilité. Cependant, c'est très demandant. Le processus pour avoir un poste permanent ne se fait pas à temps partiel, il faut mettre beaucoup d'heures de travail. Cela nécessite définitivement de partager les responsabilités parentales avec son conjoint.

Comme l'expliquent bien Pascale, Tracy et Alice, le succès d'une carrière en science lorsqu'on fonde une famille peut dépendre de bien des choses : la situation familiale, le milieu de travail, le soutien des collègues et des patrons. Il est aussi influencé par les besoins et les désirs de chacune.

Alors que faudrait-il pour que les femmes aient les mêmes opportunités en science que leurs collègues masculins? Un conjoint qui participe à la maison, un changement de mentalité dans le milieu de la recherche et une plus grande ouverture aux familles... Les besoins des mères en science ne sont peut-être pas si différents de ceux des autres femmes. C'est toute la société qui doit changer pour briser le plafond de verre.

Référence :
Sexisme dans l'édition scientifique. Je vote pour la science, émission du 14 janvier 2014. Consulté le 9 mars 2014.

7 mars 2014

Des anticorps à tout faire

Lorsqu'on parle des anticorps, on pense souvent à des armes de destruction massive qui ne font qu'une bouchée des bactéries. Des scientifiques américains croient toutefois que la situation serait un peu plus complexe pour les anticorps se trouvant dans le lait maternel, les sIgA.

Selon les chercheurs, ces anticorps agiraient en effet sur plusieurs tableaux pour protéger le nouveau-né des infections et des maladies intestinales. Par exemple, ils stimuleraient la maturation des cellules de surface de l'intestin tout en favorisant directement la création d'une flore bactérienne de qualité.

Les IgA
Pour arriver à ces conclusions, l'équipe américaine a modifié génétiquement des souris et ainsi produit des femelles avec un lait ne contenant pas de sIgA. Cette approche permet d'étudier exclusivement le rôle de ces anticorps et non pas du lait maternel en entier. Celui-ci renferme en effet une multitude de molécules actives et il est donc difficile d'établir quelle composante est responsable de quelle propriété spécifique.

Les chercheurs ont remarqué que les souris qui avaient reçu un lait sans sIgA avaient une flore bactérienne très différente des autres. En fait, au moins 80 types de bactéries étaient présentes seulement dans un des deux groupes analysés.

De plus, les cellules intestinales des souris qui n'ont pas été exposées aux sIgA n'exprimaient pas les mêmes gènes que les autres souris. Ceux activés par les sIgA seraient très importants pour permettre aux cellules intestinales de se reproduire rapidement et de maintenir l'intégrité de la paroi de l'intestin lorsqu'elle est attaquée.

Ces deux particularités influenceraient la lutte contre les microbes. Les chercheurs ont en effet remarqué que chez les souris qui ont reçu du lait sans sIgA, certaines bactéries traversaient plus facilement la barrière de l'intestin et arrivaient à se rendre jusque dans les ganglions lymphatiques. Les sIgA protègeraient donc le nouveau-né contre l'invasion par certains pathogènes. Selon les chercheurs, les sIgA du lait maternel seraient nécessaires jusqu'à ce que le bébé puisse produire lui-même ce type d'anticorps.

Certains anticorps du lait maternel agissent donc de concert avec les bonnes bactéries de l'intestin pour en assurer l'équilibre. En plus d'offrir une protection contre les pathogènes, les scientifiques proposent que les sIgA pourraient aussi diminuer le développement de certaines maladies allergiques ou inflammatoires. Pas étonnant qu'on leur prête un rôle central pour protéger les nouveau-nés.

Référence:
Rogier EW1, Frantz AL, Bruno ME, Wedlund L, Cohen DA, Stromberg AJ, Kaetzel CS.(2014) Secretory antibodies in breast milk promote long-term intestinal homeostasis by regulating the gut microbiota and host gene expression. Proc Natl Acad Sci U S A. 111(8):3074-9. doi: 10.1073/pnas.1315792111. Epub 2014 Feb 3.

2 mars 2014

Question de la semaine : Les bienfaits de l'allaitement et le syndrome du chapeau d'aluminium

Aujourd'hui, j'aborde un sujet suggéré par plusieurs lecteurs : la dernière étude mettant en doute les bienfaits de l'allaitement.

Un petit vent de panique souffle sur l'Internet après la parution d'une étude qui remet en doute les bénéfices de l'allaitement. Il est donc temps de prendre une grande respiration, car nous sommes tout simplement en présence de ce que j'appellerais le syndrome du chapeau d'aluminium.

L'expression vient en fait d'une très bonne bande dessinée de Jorge Cham, auteur de PhD Comics, qui illustre le cycle d'une nouvelle scientifique. Tout commence par un résultat de recherche : « A est corrélé avec B (p=0.56), si C, lorsqu'on assume les conditions D et E. » Le département des relations publiques de l'université compose alors un communiqué de presse : « Les scientifiques ont trouvé un lien potentiel entre A et B (sous certaines conditions) ». Lorsque la nouvelle est reprise par les agences de presse, on peut lire « A cause B, disent les scientifiques ». Sur une chaîne d'information continue, cela devient « A cause B en tout temps. » Aux nouvelles locales, le titre est plus sensationnaliste : « Ce que vous ne savez pas à propos de A pourrait vous tuer. » Finalement, au prochain repas familial, vous rencontrez votre grand-mère et elle vous dit « Je porte ce chapeau d'aluminium pour me protéger de A. »

C'est un peu ce qui s'est passé lors de la parution de l'étude réalisée par les chercheurs de l'Ohio.

L'étude
Nos résultats suggèrent que les estimations typiques de l'impact de l'allaitement sur le bien-être de l'enfant pourraient être surestimées.
Les chercheurs ont analysé trois groupes : 8237 enfants provenant de différentes familles, 7319 frères et sœurs qui ont été nourris de la même façon et 1773 frères et soeurs dont au moins un a été allaité et au moins un a été nourri au biberon. Ils ont ensuite évalué plusieurs critères lorsque les petits étaient âgés de 4 à 14 ans : l'indice de masse corporelle, l'obésité, l'asthme, l'hyperactivité, l'attachement, le comportement, le vocabulaire, la lecture, les aptitudes en mathématiques, l'intelligence et la réussite académique. L'analyse des enfants de familles différentes donne des résultats très similaires à ceux d'autres études : les enfants qui ont été allaités réussissent mieux en général que ceux qui ont été nourris au biberon. La seule exception : l'asthme. Les enfants allaités semblent avoir un risque plus élevé de souffrir de cette maladie. L'intérêt de l'étude est toutefois ailleurs. En effet, les résultats diffèrent lorsque les chercheurs comparent les frères et sœurs qui n'ont pas été nourris de la même façon. La différence entre les petits allaités et ceux nourris au biberon s'atténue alors au point de n'être plus significative d'un point de vue statistique. Les chercheurs concluent donc que les bénéfices de l'allaitement à long terme seraient plutôt dus à des facteurs propres à chaque famille comme le statut socio-économique.

Le communiqué de presse de l'Ohio State University
Les bénéfices de l'allaitement semblent être surestimés, d'après une étude réalisée sur des frères et sœurs. Les avantages observés par les femmes qui choisissent d'allaiter seraient probablement des résultats biaisés d'études précédentes.
Dans son communiqué de presse, l'équipe des relations publiques de l'Ohio State University reprend les grandes lignes de l'étude, mais réalise aussi une entrevue avec Cynthia Colen, la chercheuse principale. Selon celle-ci, il faut être réaliste à propos de ce que l'allaitement fait ou ne fait pas. Elle déplore que les études faites jusqu'à maintenant ne contrôlaient pas pour la race, l'âge des parents, le revenu familial, l'emploi de la mère. Ces facteurs importent d'autant plus que plusieurs études ont établi que les femmes de milieux aisés allaitent plus longtemps. Elle croit également que son étude a le mérite d'étudier l'impact de l'allaitement chez les enfants plus âgés alors que les études précédentes se limitent plutôt aux bébés et aux tout-petits. Elle admet cependant que l'allaitement est bénéfique d'un point de vue nutritif et immunitaire, mais que pour améliorer le bien-être des mères et des enfants, il faut se concentrer sur des choses comme les congés parentaux et la conciliation travail-famille.

Les médias (Mail Online)
Le lait maternel n'est pas meilleur pour un bébé que le lait en bouteille et il augmente le risque d'asthme, clame une experte.
Plusieurs éléments du communiqué de presse se retrouvent dans l'article de Mail Online. Cependant,
les auteurs vont un peu plus loin. D'après eux, la scientifique mentionne que « Les bénéfices de l'allaitement sont exagérés » et que « les bébés nourris au biberon ne réussissent pas moins bien. » L'étude démontrerait selon eux que les bébés au biberon ne sont pas plus obèses ou ne réussissent pas moins bien à l'école. Ces observations permettraient aux femmes qui ne peuvent pas allaiter de ne pas se sentir stigmatisées. Toujours selon Mail Online, la chercheuse clame que les bébés allaités sont plus à risque de développer de l'asthme. La conclusion de ces recherches serait donc que les bébés allaités ont de meilleurs résultats probablement en raison d'autres facteurs comme le statut socio-économique de leur famille.

Alors, elle est bonne ou non cette étude?
Bien sûr quand des résultats de la sorte font l'actualité, plusieurs experts tentent d'en analyser la qualité et la portée. C'est ce qu'ont fait le Baby Milk Action, le NHS et le blogue Evolutionary Parenting en pesant le pour et le contre de cette étude :

Du côté des points négatifs :
  • Le type d'étude réalisé (une étude de cohorte) ne permet pas de démontrer des liens de cause à effet et se limite à identifier des associations entre plusieurs facteurs. Par exemple, en aucune façon elle ne prouve que l'allaitement augmente le risque de développer de l'asthme. Cela est d'autant plus vrai que l'effet n'a été observé que chez les enfants de famille différente et pas chez les enfants d'une même famille mais nourris différemment. Si on suit la logique des auteurs, on devrait conclure que le mode d'alimentation n'a pas de rôle à jouer.
  • Certains facteurs pouvant avoir un impact sur les résultats n'ont pas été évalués, entre autres la raison pour laquelle les mères du troisième groupe ont allaité un bébé et pas l'autre. Le type d'allaitement (exclusif ou mixte) n'est pas mentionné non plus.
  • La façon de définir les groupes étudiés est discutable. En effet, lorsqu'on compare seulement les enfants allaités à ceux non allaités, on peut se retrouver dans une situation particulière. Par exemple, supposons qu'une mère allaite son premier bébé pendant quelques jours, mais vit de telles difficultés qu'elle décide de le sevrer et de ne pas allaiter son deuxième enfant. Peut-on vraiment s'étonner qu'il y ait très peu de différences entre ces deux enfants à l'âge de 14 ans?
  • La situation américaine est particulière. L'absence de congés de maternité dignes de ce nom pourrait faire que seules les femmes provenant de milieux aisés peuvent réellement allaiter. Par conséquent, en absence de femmes de milieux défavorisés qui allaitent, les comparaisons deviennent difficiles.
  • Les critères évalués sont très restreints. Pourquoi ne pas avoir évalué les risques d'allergies, de diabète ou le statut immunitaire? En fait, les chercheurs ont analysé des aspects pour lesquels il y a déjà beaucoup de controverse. La réussite scolaire, par exemple, dépend bien évidemment de l'attitude des parents. Dans cette optique, les résultats obtenus ne sont pas tellement surprenants.
  • L'étude ne tient pas compte des avantages pour la mère comme la prévention du cancer du sein ou des ovaires.
Du côté des points positifs :
  • L'étude rappelle que pour certains aspects du développement de l'enfant, la génétique ou l'environnement peut être aussi important sinon plus que le fait d'être allaité ou non.
  • Les résultats permettent de voir l'allaitement dans une perspective plus grande. Même un enfant allaité sera influencé par son milieu. Le lait maternel n'a rien de magique et ne peut pas compenser la négligence ou le manque de stimulation. La promotion de l'allaitement devrait donc faire partie d'une politique globale pour favoriser le bien-être des enfants.
  • L'idée de comparer des frères et sœurs est bonne en soi. Elle permet d'éviter que des aspects comme le statut socio-économique de la famille faussent les résultats.
  • Plusieurs facteurs confondants ont été étudiés : l'âge de l'enfant, l'âge de la mère, le rang dans la famille, la région d'origine, le tabagisme, l'alcool pendant la grossesse, les soins prénataux, le niveau d'éducation maternelle, le revenu familial, l'emploi de la mère, le revenu familial, la couverture d'assurance.

Cependant, peu importe la qualité et la portée de cette étude, l'important est sans doute de toujours garder un esprit critique. La médiatisation d'une nouvelle étude ressemble un peu au téléphone arabe. Il ne faut donc pas hésiter à retourner aux sources, à consulter des experts, à s'interroger sur la façon dont l'expérience a été effectuée. Sinon, nous risquons de tous porter un jour... un chapeau d'aluminium!

Références :
Baby Milk Action (2014) Did US researchers really find breastfeeding to be ineffective or harmful? Consulté le 1er mars 2014.

Caldwell,Emily. (2014, 25 février) Breast-feeding Benefits Appear to be Overstated, According to Study of Siblings. The Ohio State University. Consulté le 1er mars 2014.

Cassels, Tracy. (2014) “Is Breast Really Best?” The Debate Doesn’t End Here… Consulté sur le blogue Evolutionary Parenting, le 1er mars 2014.

Cham, Jorge. (2009) The science news cycle. Sur le site PhD Comics. Consulté le 1er mars 2014

Colen CG, Ramey DM.(2014) Is Breast Truly Best? Estimating the Effects of Breastfeeding on Long-term Child Health and Wellbeing in the United States Using Sibling Comparisons. Social Science & Medicine. Published online January 29 2014

Innes, Emma (2014) Breast milk is 'no better for a baby than bottled milk' - and it INCREASES the risk of asthma, expert claims. Mail Online. Consulté le 1er mars 2012.

NHS choices (2014) Is breast milk really best, American study ask. (2014) Consulté le 1er mars 2014.