Aujourd'hui, je parle d'un sujet proposé par Gabrielle Beaudoin : la sécurité des antihistaminiques pendant la grossesse.
Vos nausées matinales n'ont plus rien de matinal et vous empêchent de fonctionner pendant toute la journée? La saison du rhume des foins a commencé et le bruit de vos éternuements ne vous permet plus de percevoir les mouvements de votre bébé? Votre médecin vous suggèrera alors peut-être un antihistaminique pour soulager vos symptômes. Vous vous demandez toutefois si cela est bien sécuritaire pour votre enfant qui se développe intensément.
La question est légitime. Les experts estiment que l'exposition à des médicaments pendant la grossesse expliquerait 10 % des malformations chez le fœtus. Les manufacturiers demeurent donc extrêmement prudents avant de déclarer qu'un de leur produit est sécuritaire pendant la grossesse. Plusieurs tests seront nécessaires pour arriver à cette conclusion. De plus, pour des raisons éthiques, certaines substances ne pourront jamais être aussi bien étudiées qu'on le souhaite. En effet, qui voudrait que son bébé serve de cobaye pour déterminer si un médicament cause des anomalies?
Le résultat de cette situation, c'est qu'il n'est pas toujours facile d'atteindre un consensus sur la sécurité de certains produits pendant la grossesse. Les antihistaminiques ne font pas exceptions.
La question est d'autant plus complexe qu'il existe plusieurs types d'antihistaminiques et ceux-ci n'ont pas toutes les mêmes propriétés. Par exemple, certains traversent le placenta et d'autres non. Certains peuvent provoquer de la somnolence et agir sur le système nerveux. Pour simplifier le tout, disons que les antihistaminiques se séparent en deux grandes classes.
D'une part, il y a ceux de première génération comme la diphenhydramine (bénadryl) ou la doxylamine (qui est une composante du Diclectin avec la vitamine B6). Les médecins les préfèrent souvent puisqu'ils sont utilisés depuis plus longtemps et qu'il existe davantage d'informations à leur sujet. Ils causent toutefois de la somnolence. Si quelques scientifiques ont soulevé des inquiétudes par rapport à leur association avec certaines malformations congénitales (troubles cardiaques, fente labiale, spina bifida), des études plus poussées auprès d'un plus grand nombre de femmes (jusqu'à 200 000 participantes) indiqueraient qu'ils n'augmentent pas réellement la fréquence de ces anomalies.
D'autre part, on retrouve les antihistaminiques de deuxième génération comme la loratadine (claritin), la fexofénadine (allegra) et la cétirizine (réactine). Il existe beaucoup moins de données au sujet de ces médicaments puisqu'ils sont relativement récents. Une étude a bien constaté un lien entre l'utilisation de loratadine et des défauts du système urinaire chez les garçons, mais aucune autre recherche n'a confirmé ces résultats. Pour sa part, la cétirizine ne serait pas associée à des malformations ou à d'autres effets négatifs.
À la lumière de ces connaissances, le Collège américain des obstétriciens-gynécologues et le College américain des allergies, de l'asthme et de l'immunologie recommandent d'utiliser d'abord des antihistaminiques de première génération comme la chlorpeniramine et la tripelennamine pendant la grossesse. À partir du deuxième trimestre, ou si les médicaments de première génération ne fonctionnent pas, le médecin pourrait alors suggérer la loratadine ou la cétirizine.
Les lignes directrices sur les rhinites et leur impact sur l'asthme ne vont toutefois pas en ce sens. Elles proposent plutôt d'éviter les antihistaminiques de première génération en raison de leur effet sédatif et de leur impact sur le système nerveux et de toujours privilégier les médicaments de deuxième génération.
Déterminer la sécurité d'un produit tel qu'un antihistaminique pendant la grossesse n'est donc pas une mince tâche. L'interprétation des études n'est pas simple. La situation peut également changer d'un antihistaminique à l'autre et les particularités de chaque femme peuvent aussi influencer l'action du médicament. Dans le doute, se référer à son médecin ou à son pharmacien pour évaluer les bénéfices et les risques d'entreprendre un traitement est sans doute la meilleure chose à faire.
Pendant la grossesse, 8 à 15 % des femmes utilisent des antihistaminiques.
Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le développement de l'enfant? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse. (N'étant pas médecin, il ne m'est pas possible de répondre à des
questions médicales sur l'état de santé d'une mère ou d'un bébé. Si vous
éprouvez des inquiétudes à ce sujet, contactez plutôt un professionnel
de la santé.)
Références :
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