7 août 2013

Brève histoire de l'accouchement au Québec

par Marie-Christine Pitre

Contrairement à la croyance populaire, la recherche de solutions pour  diminuer les douleurs de l’accouchement est loin d’être nouvelle. Le sixième chapitre du livre Partir pour la famille : fécondité, grossesse et accouchement au Québec 1900-1950 (2012) de Suzanne Marchand a un titre très révélateur : « L’accouchement : une expérience risquée pour la mère ». Elle explique qu’entre 1900 et 1950, la grande majorité des femmes se devaient d’accoucher à la maison, avec une « sage-femme », avant la reconnaissance officielle de la profession (p. 150).

Marchand précise que la possibilité de mourir en donnant naissance était statistiquement signifiante. Pour mille naissances en 1926, on notait 5,2 décès des mères alors que ce nombre  descend à 4,5 en 1940 (p. 155).  À titre comparatif, le « Programme des Nations Unies pour le développement », mentionne un taux de mortalité maternelle de 12 femmes pour 100 000 naissances vivantes au Canada en 2010.

Au début des années 1900, plusieurs femmes optaient donc pour des alternatives disponibles à ce moment, avec un taux de succès très peu élevé :
Nombreuses étaient donc les futures mères qui étaient passablement inquiètes lorsque le moment d’accoucher approchait. Au cours des semaines précédant l’accouchement, plusieurs avaient d’ailleurs recours à des pratiques censées leur assurer une délivrance heureuse. Certaines croquaient quotidiennement neuf grains de blé entier dans l’espoir de faciliter le travail, tandis que d’autres ingéraient des graines de lin ou les ébouillantaient pour en faire des tisanes qu’elles buvaient dans le même but (p. 156).
Dans un Québec marqué par la religion omniprésente, la prière, le recours aux objets religieux et la médecine populaire (p. 163) apparaissaient souvent comme un espoir permettant de vivre un accouchement sans heurt.

Dans le livre Brève histoire des femmes au Québec (2012), Denyse Baillargeon écrit : « Jusqu’à la fin des années 1930, la proportion des Québécoises qui accouchent en milieu hospitalier se maintient cependant au-dessous des 15% » (p. 141). Ce n’est qu’à partir des années 1950 que l’hôpital est devenu le lieu privilégié pour donner naissance. À cette époque, l’utilisation d’anesthésiants était fréquente :
L’anesthésie, utilisée pour soulager les douleurs des femmes en couches, était une pratique courante à l’époque. Si elle comportait certains avantages, elle avait aussi l’inconvénient d’empêcher les femmes de participer activement à leur accouchement. Lorsqu’elles se réveillaient, on leur présentait l’enfant qu’elles venaient de mettre au monde (Marchand, p. 167).
C’est également à ce moment que l’épisiotomie et la césarienne firent leur apparition dans la sphère médicale.

C’est au cours des années 1960-1970 que les hommes ont pu avoir accès aux salles d’accouchement. La régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ), créée en 1970, rembourse les frais liés à la grossesse et à l’hospitalisation des femmes qui accouchent (1987, p. 144). La péridurale, couramment appelée épidurale au Québec, est devenue une alternative plus accessible pendant les années 1980. Dans un article repris sur le site de Mère & Monde, Hélène Vadeboncoeur écrivait dans La Presse que le taux d’utilisation était de 21% en 1982-1983 et qu’il est passé à 38,8% en 1996-1997 (1998). L’institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) précise que le recours à l’analgésie péridurale était de 69% en 2009-2010.

Malgré ce haut taux de péridurale dans les hôpitaux, on note actuellement la recrudescence d’un intérêt envers l’humanisation des naissances. La pratique sage-femme a été légalisée 1998. Cela a permis le retour aux accouchements à la maison et en maison de naissance. D’autres solutions, comme le soutien des accompagnantes à la naissance (doulas), l’acupuncture, l’hypnonaissance ou la méthode Bonapace par exemple, encouragent le renouveau des accouchements dits « physiologiques » dans tous les lieux de naissance.

En somme, il est vrai que les méthodes pour prévenir ou soulager les douleurs de l’accouchement se sont grandement transformées depuis les années 1900. Toutefois, on constate qu’elles existent depuis bien longtemps. Elles donnent un tout autre éclairage sur l’histoire de l’accouchement au Québec.

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Marie-Christine Pitre est doctorante en histoire de l'art à l'UQAM. Ses recherches portent sur l'histoire du design au Québec. Elle se passionne également pour tout ce qui touche à l'histoire de la parentalité et à ses implications actuelles. Elle partage ses réflexions sur le blogue "Une vie entre parenthèses".

Référence principale
Marchand, Suzanne. 2012. Partir pour la famille, fécondité, grossesse et accouchement au Québec 1900-1950, Québec : Septentrion, 268 p.

Références dans l’article
Baillargeon, Denyse. 2012. Brève histoire des femmes au Québec, Québec : Boréal, 288 p.
Programme des Nations unies pour le développement. 2010. « Indicateurs internationaux de développement humain ». En ligne <http://hdrstats.undp.org/fr/indicateurs/89006.html>

Rossignol Michel, Boughrassa Faiza et Moutiquin Jean-Marie. 2012. « Mesures prometteuses pour diminuer le recours aux interventions obstétricales évitables pour les femmes à faible risque », ETMIS, Vol. 8, n°14. En ligne, rapport de l’INESSS <http://www.inesss.qc.ca/fileadmin/doc/INESSS/Rapports/ObstetriqueGynecologie/ETMIS_2012_Vol8_No14.pdf>

Saillant, Francine et Michel O’Neill. 1987. Accoucher autrement, Repères historiques, sociaux et culturels de l’accouchement et de la grossesse au Québec, Québec, Éditions Saint-Martin, 450 p. En ligne
<http://classiques.uqac.ca/contemporains/saillant_francine/accoucher_autrement/accoucher_autrement_couverture.html>

Vadeboncoeur, Hélène. 1998. « La péridurale. Informe-t-on les femmes des risques ». La Presse, Santé, dimanche 28 juillet 1998, p. C1. En ligne dans Mère & Monde <http://www.mereetmonde.com/articles/peredural.htm>.

Pour en savoir plus

Marchand, Suzanne. 2006. « Naître, aimer et mourir : le corps dans la société québécoise », Québec : Université Laval. En ligne. <http://www.theses.ulaval.ca/2006/24106/>.