Imaginez une nouvelle usine prête à mettre un nouveau produit en marché. Pour y parvenir, elle devra s'assurer que la ligne de production est fonctionnelle et que tous les employés sont prêts à faire leur travail de façon adéquate. C'est un peu ce qui se passe après la naissance du bébé lorsque les glandes mammaires sont enfin prêtes à produire du lait.
Cependant, au lieu d'employés, c'est l'activité d'environ 14 000 gènes qui doit être contrôlée au quart de tour pour s'assurer que tout se passe bien. L’analyse de cette activité complexe a permis récemment d'identifier une cause possible de manque de lait: la résistance à l'insuline.
Grâce à des techniques de biologie moléculaire, des chercheurs américains ont pu examiner l'activité des gènes dans la glande mammaire au fur et à mesure que la production de lait se met en branle. Cependant, ce qui est particulièrement intéressant dans cette étude, c'est que les chercheurs ont pu comparer l'expression des gènes entre un groupe de femmes pour qui la production de lait a bien démarré et un autre pour qui des difficultés se sont présentées.
Ils ont ainsi remarqué que, dans les deux groupes, l'expression des gènes associés à l'insuline était contrôlée très étroitement pendant la lactation. En particulier, les chercheurs ont observé une augmentation de l'activité du gène PTFR dont le rôle est de diminuer l'effet de l'insuline en modifiant son récepteur. Comme l'insuline est connue pour affecter la production de lait, les chercheurs croient que PTFR pourrait servir à la contrôler plus précisément. Une activité adéquate de ce gène serait donc essentielle pour éviter une surproduction de lait.
Cependant, chez les femmes ayant connu des difficultés au niveau de la quantité de lait produite, le gène PTFR était hyperactif, déclenchant une forme de résistance à l'insuline. C'est ainsi que les chercheurs ont pu établir que la résistance à l'insuline pourrait être responsable du manque de lait vécu par certaines mères.
Un portrait clair de l'activité des gènes
Au-delà du rôle de l'insuline, les chercheurs ont pu dresser un portrait de l’activité des gènes dans la glande mammaire en fonction du temps écoulé depuis le début de l’allaitement.
Ainsi, dans les premiers jours suivant l'accouchement, les gènes qui sont les plus actifs sont ceux qui servent à la protection du bébé contre les infections, c'est-à-dire les gènes associés à la réponse immunitaire. De plus, certains gènes favorisant la digestion des molécules du lait étaient plus actifs pendant cette période. Cela pourrait donc donner un coup de pouce au système digestif immature du bébé.
Par la suite, le lait deviendra du lait mature. Pendant la transition, on observe que les gènes les plus actifs sont ceux nécessaires à la production des protéines. Cette observation démontre bien que la glande mammaire se prépare alors à une production massive de protéines et à leur transport vers le lait maternel.
Enfin, lorsque le lait mature est enfin prêt, on remarque alors que les deux gènes les plus actifs sont ceux responsable de la production de la caséine et l'alpha-lactalbumine, les deux protéines les plus abondantes dans le lait maternel. Notons que cette dernière est en effet essentielle puisqu'elle est impliquée dans la fabrication du lactose, le sucre du lait. Enfin, en troisième position vient la lactoferrine, une protéine très utile pour aider le bébé à lutter contre les infections.
Lorsqu'on sait que 50 % des mères n'atteignent pas leurs objectifs d'allaitement, l'identification des mécanismes responsables de la production de lait est la bienvenue. Cette analyse permet en effet de mettre le doigt sur les gènes potentiellement problématiques et, en connaissant les erreurs dans la ligne de production, il est alors possible de rectifier la situation. Cette étude fournit donc de nombreuses pistes pour aider les mères qui ne produisent pas assez de lait pour leur enfant.
Pour en savoir plus sur la production de lait:
Quelle est la cause de l'hyperlactation?
L'expression simultanée du lait est-elle plus efficace?
Référence:
Lemay DG, Ballard OA, Hughes MA, Morrow AL, Horseman ND, et al. (2013) RNA Sequencing of the Human Milk Fat Layer Transcriptome Reveals Distinct Gene Expression Profiles at Three Stages of Lactation. PLoS ONE 8(7): e67531. doi:10.1371/journal.pone.0067531