Le toujours controversé sujet du partage de lit est de retour dans l'actualité. Cette fois-ci, c'est une étude publiée dans le journal BMJ Open qui fait couler l'encre. Selon cette recherche qui est une nouvelle analyse d'anciennes études sur le sujet, le risque de mort subite du nourrisson chez les bébés de moins de trois mois serait plus élevé lors du partage de lit et ce, même si les parents sont non-fumeurs et que la mère n'a pas consommé d'alcool ou de drogues illégales.
Plusieurs voix s'élèvent déjà pour contester les conclusions tirées par les chercheurs. Ces résultats pourraient en effet avoir des conséquences importantes puisque la principale recommandation du groupe de recherche est de condamner toute forme de partage de lit. Pour cette raison, certains organismes oeuvrant auprès des mères et de leur bébé ont analysé les détails de l'étude.
Ainsi, le Infant Sleep Information Source (ISIS), un groupe d'organisations offrant du support aux parents et affilié à l'Université Durham au Royaume-Uni, s'interroge sur le choix des anciennes études qui ont été réanalysées. Ces études datent de 15 à 26 ans pour certaines et sont très hétérogènes, ce qui rendrait leur analyse peu convaincante. Il s'agit également d'études de cas réalisées auprès de populations très spécifiques. Selon ISIS, il n'est généralement pas possible de généraliser les résultats de ce genre d'étude à une autre population.
De plus, selon l'UNICEF-UK, les études analysées ne contiendraient pas assez de données pour déterminer si le partage de lit est, par lui-même, un facteur de risque pour la mort subite du nourrisson ou si ce sont plutôt les conditions dans lesquels il est pratiqué qui pourraient être dangereuses. Cet organisme soulève aussi certaines irrégularités dans le calcul du risque associé au partage du lit pour un bébé allaité dont les parents ne sont pas fumeurs et dont la mère ne consomme pas d'alcool.
Par exemple, le groupe ISIS souligne que, selon les chercheurs, le risque de mort subite pour un tel bébé est de 2 / 10 000 lors du partage de lit et de 1 / 10 000 lorsque le bébé dort dans son propre lit dans la chambre des parents. Cependant, le risque moyen de mort subite chez les bébés du Royaume-Uni est de 1 / 3 000 à 3,4 / 10 000. Donc, peu importe le lieu de sommeil, les bébés allaités dont les parents sont non-fumeurs et dont la mère ne consomme pas d'alcool courent très peu de risques de mourir de la mort subite du nourrisson. Comme le mentionne UNICEF-UK, on se demande donc pourquoi ces chercheurs mettent autant d'énergie à mettre les mères allaitantes en garde contre le partage de lit quand certains groupes sont beaucoup plus à risque.
Par ailleurs, un autre groupe d'experts affilié à l'Université de North Texas, à l'Université de Colombie-Britannique et à l'Université de Notre-Dame font judicieusement remarquer que plusieurs facteurs de risques n'ont pas été considérés dans l'analyse:
- Est-ce que le partage de lit était planifié?
- Est-ce que la mère fumait pendant la grossesse?
- Que signifie-t-on par allaitement partiel?
- Est-ce que la mère était sous l'influence de médicaments sous prescription?
- Est-ce que le bébé était prématuré?
- Est-ce que les parents étaient exténués?
- Est-ce que la mère était obèse?
- Combien de personnes partageaient le lit et où était situé le bébé par rapport à ces personnes?
- Est-ce que le père avait consommé de l'alcool?
- Est-ce que les parents avaient été informés des risques associés au partage de lit et est-ce qu'on les avait conseillés sur la façon de le faire sécuritairement?
De plus, certains facteurs peuvent affecter la respiration du bébé et sa capacité à s'éveiller: la quantité d'oreillers et d'édredons ou la température de la pièce par exemple. Pourtant, ceux-ci ne sont pas pris en compte dans l'analyse.
Voilà donc ce qui semble être de la mauvaise science mais qui aura malheureusement des conséquences fâcheuses pour bien des parents. Selon ISIS, ces recommandations simplistes sans bases scientifiques solides pourraient bien occasionner un manque de sensibilité de la part des professionnels de la santé, surtout au niveau culturel. Elles ne permettent pas non plus aux parents de faire un véritable choix éclairé. Devant un tel dogmatisme, certains parents choisiront peut-être de mentir à leur médecin et ne pourront donc pas être informés adéquatement sur la façon de faire du partage de lit sécuritaire.
Enfin, certains parents apeurés décideront peut-être d'éviter complètement le partage de lit pour se tourner vers des arrangements autrement plus dangereux comme s'endormir sur un sofa avec leur bébé. Espérons donc que les professionnels de la santé sauront reconnaitre cette étude pour ce qu'elle est et qu'ils auront une approche sensible lorsque vient le temps d'aborder le sujet du sommeil avec leurs patients.
Toujours sur le partage du lit:
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Références:
Ockwell-Smith, S., Middlemiss, W., Cassels, T., Stevens, H. and D. Narvaez. (2013) SIDS: Risks and Realities, A Response to Recent Findings on Bedsharing and SIDS Risk. Consulté à l'adresse http://www.praeclaruspress.com/carpenter_white_paper.pdf le 22 mai 2013.
UNICEF-UK. (2013) UNICEF-UK Baby Friendly Initiative Statement on new bed sharing research. Consulté à l'adresse http://www.unicef.org.uk/BabyFriendly/News-and-Research/News/UNICEF-UK-Baby-Friendly-Initiative-statement-on-new-bed-sharing-research/ le 22 mai 2013.
Statement from ISIS. (2013) New analysis of bed-sharing and SIDS: Carpenter et al (2013) in BMJ Open. Consulté à l'adresse http://www.dur.ac.uk/resources/isis.online/statements/Carpenteretal2013ISIScommentary1.2.pdf le 22 mai 2013.