Le sujet de la promotion de l'allaitement est très délicat au Québec. Devrait-on le promouvoir davantage ou au contraire beaucoup moins? Devrait-on revoir notre façon de le faire? Mais en fait, se pose-t-on les bonnes questions? Il semblerait bien que non si on se fie à une nouvelle étude publiée dans la revue Pediatrics qui démontre que ce dont les femmes ont besoin, ce n'est pas de promotion mais bien de support.
En effet, dans une étude réalisée aux États-Unis auprès de 1177 mères, on constate que 60 % des femmes n'ont pas allaité aussi longtemps qu'elles l'auraient souhaité. Les principales raisons qui ont poussé les mères à sevrer avant d'être prêtes sont les difficultés d'allaitement, les soucis concernant le gain de poids du bébé, les maladies chez la mère ou le besoin de prendre des médicaments et l'effort associé à tirer son lait.
Selon l'Institut de la statistique du Québec, 82,7% des femmes ont initié l'allaitement en 2009-2010. Cela signifie donc que 17,3 % des femmes n'ont pas allaité du tout. De ce nombre, 48,6% n'ont pas allaité parce qu'elle préférait le biberon. Par conséquent, à peine 8,4 % des femmes ne veulent vraiment pas allaiter.
D'un autre côté, si on suppose que la situation constatée aux États-Unis peut s'appliquer au Québec, on conclut que 49,63 % des femmes québécoises souhaitent allaiter mais n'y parviennent pas. Par conséquent, pourquoi mettre tant d'effort sur la promotion et tenter de convaincre 8,4% des femmes de revenir sur leur choix alors qu'on pourrait travailler à augmenter le support et ainsi favoriser l'allaitement chez 49,3% des femmes.
D'autant plus que les raisons invoquées par les femmes dans l'étude américaine nous donnent de très bonnes pistes sur les façons d'agir. Les femmes allaitantes ont besoin d'avoir accès à des ressources compétentes pour les soutenir lorsqu'elles rencontrent des problèmes au niveau de l'allaitement ou du gain de poids de leur bébé. Elles ont besoin de professionnels qui sont bien informés sur la compatibilité des traitements avec l'allaitement et qui les aident à se soigner sans avoir à sevrer. Enfin, elles ont besoin d'environnements favorables qui facilitent l'allaitement et qui éliminent les complications non-nécessaires.
En conclusion, au lieu de tenter de convaincre les mères d'allaiter, le réseau de la santé devrait plutôt mettre ses énergies pour former des professionnels aptes à aider les mères à atteindre leurs objectifs d'allaitement. Rappelons d'ailleurs que dans le document L’allaitement maternel au Québec – Lignes directrices rédigé par le MSSS, on mentionne que "la priorité devrait être accordée à la protection et au soutien à l’allaitement et, à un degré moindre, aux programmes de promotion" puisque "le meilleur encouragement à l’allaitement vient des femmes qui ont allaité avec plaisir et avec succès et jouent ainsi un rôle de modèle pour les femmes qui les entourent". Il serait donc peut-être temps d'appliquer ces principes énoncés il y a plus de dix ans déjà.
Pour en savoir plus sur la promotion de l'allaitement:
Comment parler d'allaitement?
L'importance d'avoir différentes approches pour la promotion et le support de l'allaitement
Les tabous peuvent-ils affecter la durée de l'allaitement?
Références:
Odom EC, Li R, Scanlon KS, Perrine CG, Grummer-Strawn L. (2013) Reasons for earlier than desired cessation of breastfeeding. Pediatrics. 131(3):e726-32. doi: 10.1542/peds.2012-1295. Epub 2013 Feb 18.
Lavoie A, Dumitri V. (2012) L'allaitement maternel: une pratique moins répandue au Québec qu'ailleurs au Canada. Institut de la statistique du Québec.
Ministère de la santé et des services sociaux du Québec (2001). L'allaitement maternel au Québec – Lignes directrices. Consulté à l’adresse http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2001/01-815-01.pdf