Selon un document rédigé par la Clinique d'allaitement Goldfarb de l'Hôpital général juif de Montréal, le "pamplemousse et son jus (et peut-être l’extrait de pépins de pamplemousse)" pourrait interagir avec la dompéridone, un médicament utilisé entre autres pour stimuler la production de lait chez les mères allaitantes.
Cette information est en accord avec une étude réalisée en 2007 et démontrant que, chez le rat, la consommation de jus de pamplemousse faisait augmenter la concentration maximale de dompéridone se trouvant dans le sang. En d'autres termes, la consommation de jus de pamplemousse pendant un traitement de dompéridone aurait pour effet d'augmenter la dose réelle que la patiente reçoit et donc, les risques d'effets secondaires et de toxicité.
Pour comprendre ce phénomène, il faut se rappeler que lorsqu'on consomme un médicament, notre corps se met immédiatement au travail pour nous en débarrasser puisqu'il croit qu'il s'agit d'un produit toxique. Les médecins, lorsqu'ils prescrivent un dosage particulier, prennent d'ailleurs en considération cette élimination du produit pour s'assurer que la patiente reçoit une dose suffisante.
Cette élimination des médicaments se fait par l'entremise de plusieurs mécanismes différents. Toutefois, dans le cas de l'interaction entre le jus de pamplemousse et la dompéridone, deux d'entre eux nous intéressent plus particulièrement: l'enzyme CYP3A du cytochrome P450 et la glycoprotéine-P.
L'enzyme CYP3A du cytochrome P450 est une enzyme se retrouvant dans les cellules du foie et de l'intestin. Le rôle de celle-ci est de détruire les médicaments pour les rendre inoffensifs. On estime que 50% des médicaments sont dégradés par CYP3A. Cependant, dans le jus de pamplemousse, on retrouve un composé rendant cette enzyme inefficace de façon irréversible. Le corps doit donc en produire à nouveau, ce qui peut prendre plusieurs heures. Ainsi, suite à la consommation de jus de pamplemousse, certains médicaments s'accumulent dans le sang de la patiente. Notons cependant que seules les enzymes de l'intestin sont affectées par le jus de pamplemousse. Par conséquent, seuls les médicaments pris sous forme orale (comme la dompéridone) seront affectés alors que ceux pris par intraveineuse pourront être dégradés par les enzymes CYP3A du foie.
Pour ce qui est de la glycoprotéine-P, cette protéine est une sorte de pompe permettant d'expulser les médicaments hors du système pour les renvoyer vers l'intestin où ils seront alors expulsés hors du corps. Lorsqu'on consomme du jus de pamplemousse, certaines composantes de celui-ci empêche cette pompe de fonctionner. Encore là, cela signifie que le médicament ne sera pas évacué comme il le devrait et que la concentration sanguine augmentera.
En conclusion, en bloquant l'enzyme CYP3A et la glycoprotéine-P, le jus de pamplemousse empêche le corps de se débarrasser de la dompéridone ce qui pourrait mener à des concentrations trop élevées de ce médicament dans le sang de la mère qui en consomme. Pour éviter les effets secondaires, il est donc préférable de ne pas boire le jus de ce fruit pendant le temps que le traitement durera.
Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le maternage? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.
Références:
Hanley MJ, Cancalon P, Widmer WW, Greenblatt DJ. (2011) The effect of grapefruit juice on drug disposition. Expert Opin Drug Metab Toxicol. 7(3):267-86.
Centre de médecine familiale Herzl, Clinique d’allaitement Goldfarb. (2010) Dompéridone Document à l’intention des patients. Consulté le 26 janvier 2011 à l'adresse http://jgh.ca/documents/95/domp%C3%A9ridone%20info%20FINAL.pdf
Bamburowicz-Klimkowska M, Zywiec K, Potentas A, Szutowski M. (2007) Impact of the changes in P-glycoprotein activity on domperidone pharmacokinetics in rat plasma. Pharmacol Rep. 59(6):752-6.